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adhérents ne pouvaient être suspects d’aucune vue intéressée : ils ne devaient pas se flatter, en agissant ainsi, d’être admis à puiser peu ou prou, dans le trésor des faveurs, des profits, de ces innombrables avantages matériels ou honorifiques, que réservait le Pouvoir, il y a cent ans, aux membres de la Congrégation, il y a quinze ans, aux membres de la Franc-Maçonnerie. Un illustre chirurgien nous contait un soir s’être fait franc-maçon « pour embêter, » disait-il, un confrère en faveur auprès des ministres et dont il croyait avoir à se plaindre. En qualité de président d’une Loge, il se trouva plus tard à son tour, appelé à procéder à l’initiation des nouveaux adeptes de l’ordre : l’un de ces néophytes qu’il interrogeait, suivant la formule rituelle, sur « le motif qui le poussait à solliciter son admission dans la Franc-Maçonnerie, » lui fit ingénument cette réponse : « C’est afin d’obtenir les palmes d’officier d’académie ! »

Quoique aucune palme ne récompense de nos jours la profession de catholicité, non seulement il se voit des centaines de milliers de Français pour se livrer, en apôtres laïques, à la propagande de la parole et de l’exemple, mais il s’en trouve des millions qui témoignent, par des actes formels et répétés, de l’attachement à leur culte. Et, quoique le fait soit de nature à étonner, l’effectif de ces chrétiens pratiquants est beaucoup plus grand qu’il y a trente ans. Les chiffres donnés par Taine, en 1890, dans son Régime moderne ne correspondent plus du tout à la réalité, ni à Paris, ni en province. Les chiffres actuels leur sont de beaucoup supérieurs ; et l’on constaterait qu’ils le sont aussi sans aucun doute à ceux de la seconde moitié du XIXe siècle, si l’on disposait pour cette période de statistiques comparatives un peu étendues.

En 1847, un prêtre bien connu, l’abbé Petitot, curé de Saint-Louis d’Antin, estimait à 2 millions seulement, sur une population de 32 millions, le nombre des Français allant à confesse. Cette appréciation pourra passer pour pessimiste ; mais l’abbé Bougaud, — évêque lui-même plus tard, — écrivait sous le second Empire : « Je connais un évêque qui, arrivant dans son diocèse, eut l’idée de se demander, sur les 400 000 âmes qui lui étaient confiées, combien il y en avait qui faisaient leurs Pâques. Il en trouva 37 000 ? » Et Mgr Dupanloup, dans une lettre pastorale de 1851, considère, dit-il, « qu’il répond à Dieu de près de 350 000 âmes dont il y en a à peine 45 000 qui remplissent