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la composition du béton provenait de 50 à 60 kilomètres de distance. Les pierres étaient concassées mécaniquement dans des usines pouvant produire plus de 4 500 tonnes par jour. Une fois le béton fabriqué par des bétonnières électriques, il était transporté, également à l’aide de l’électricité, au-dessus de l’endroit où il devait être coulé dans des moules métalliques que l’on relevait au fur et à mesure de l’avancement des travaux.


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Nous avons laissé tout à l’heure le pétrolier dans les eaux du lac à sa sortie des écluses. Là, reprenant sa liberté d’action, il va le traverser par ses propres moyens en suivant seulement les bouées, lumineuses pendant la nuit, qui indiquent le chenal large en moyenne de 200 à 300 mètres et atteignant une profondeur qui varie entre 13 mètres 50 et plus de 25 mètres. Ce lac, d’une étendue sensiblement égale à celle du lac de Genève, en aucun de ses points ne peut être vu dans son ensemble.

Quand le barrage de Galun fut terminé, les eaux du Chagres prirent leur niveau. Elles enserrèrent les collines et les transformèrent en îles. En remontant les vallées, les rives se créèrent, plus découpées, plus pleines d’aspects imprévus que celles d’un lac naturel. Aussi au charme de ces perpétuelles surprises, vient s’ajouter la magnificence de la végétation tropicale. La brume légère s’élevant de sa surface et du sol humide de la forêt vierge, estompe les contours des lointains. Malgré un soleil ardent, aucune ligne n’est dure, aucune coloration n’est violente dans ces paysages si lumineux cependant. Un grand apaisement, une sorte de torpeur pour les yeux comme pour les oreilles, s’étend sous ces latitudes, sur toute la nature pendant les heures chaudes du jour. La vie bruyante ne reprend avec sa pleine intensité qu’après le coucher du soleil. Ceux qui ont campé près des marais ne peuvent oublier le prodigieux concert des nuits du Sud. Après bien des années, il me semble l’entendre encore s’élevant des cyprières de la Floride.

En dehors du chenal dont nous avons parlé, la forêt qui devait être recouverte par les eaux du lac, fut en partie brûlée, mais les grands arbres séculaires résistèrent ; ils ne moururent que lentement et surtout du fait de l’inondation. Quand la profondeur n’est pas par trop grande, on les voit se dresser au-dessus de la surface miroitante. Quelques orchidées ont poussé