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douzaine de kilomètres il a été nécessaire d’excaver le terrain dans des reliefs atteignant une altitude maxima de 80 mètres. L’importance du déblaiement n’aurait rien été avec les moyens modernes, dynamite dont on employait dans cette partie du canal à l’époque des travaux plus de 2 500 000 kilos annuellement, pelles, excavateurs et perforatrices à vapeur, à air comprimé, à l’électricité pour forer les trous de mines. Ce qui a procuré une série de déboires qui ne sont pas finis, c’est la nature du sol composé de grandes épaisseurs d’argile sur de la roche dure.

Comme nous l’avons vu, le climat de l’isthme est extrêmement humide ; pendant neuf mois de l’année, il tombe des pluies torrentielles, de ces pluies des tropiques dont rien ne peut donner une idée dans les climats tempérés. Aussi les terrains s’imbibent rapidement, acquièrent un poids considérable quand ils sont en surface et glissent si l’on fait des travaux, entraînant souvent avec eux la couche des roches qui leur a servi de support. Depuis que l’on a coupé la tranchée de la Culebra, l’ensemble du cubage des éboulements représente à peu près à lui seul 40 p. 100 des déblaiements dans cette section des travaux. L’un de ces glissements, et ils ont été nombreux, se chiffrait par plus de 7 000 000 de mètres cubes.

En octobre 1915, le canal était totalement obstrué par de formidables masses d’argile et de roches se faisant face, un peu au nord de Gold Hill, et ce n’est qu’au mois d’avril 1916 qu’il fut possible de le livrer de nouveau à la navigation. En mars 1920, le même fait se reproduisit, d’une façon cependant beaucoup moins grave, arrêtant seulement le transit pendant deux ou trois semaines.

Il est à présumer que ces accidents se renouvelleront jusqu’à l’épuisement des terrains qui peuvent s’ébouler et dont les crêtes sont cependant maintenant à 900 ou 1 000 mètres l’une de l’autre, car tout a été fait pour y porter remède. On a drainé les talus par des fossés, on les a plantés ; des murs de soutènement ont été construits ; en désespoir de cause, les ingénieurs ont essayé d’injecter les pentes de ciment très liquide qui, projeté avec une grande force à l’aide de lances spéciales, devait modifier la composition du sol à une certaine profondeur et former comme une croûte. Rien n’y a fait : ces éboulements ont continué.