Page:Revue des Deux Mondes - 1921 - tome 65.djvu/206

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Le découragement s’empara d’eux et Panama se rendit sans qu’il en coûtât beaucoup aux boucaniers.

Le pillage fut complet et le feu dévora pendant quatre semaines cette ville de bois. Aussi lorsque Morgan se retira le 24 février 1671, il ne restait guère plus de ruines que nous n’en voyons maintenant éparses sur le sol.

À son retour à la Jamaïque, créé « sir » et élevé au rang de lieutenant-gouverneur de l’île, Morgan réprima impitoyablement la piraterie grâce à laquelle il était parvenu aux honneurs et à la richesse.

En dehors de Colon et de Panama, dans toute la zone de l’isthme louée à perpétuité aux États-Unis, zone de protection large d’environ 17 kilomètres, il n’y a comme agglomérations, — et elles sont très petites, — que celles formées à proximité des gares du chemin de fer et près du canal par les maisons des employés, les casernes (le gouvernement de Washington entretient là des troupes en permanence), et par les quelques habitations des éleveurs de bestiaux qui ravitaillent la population en viande fraîche. La plupart des prairies dans lesquelles paissent les animaux, se trouvent dans la région Sud ou Est du canal. Dans l’intérieur du pays, aux savanes succèdent d’immenses régions couvertes par la forêt vierge, très riches en bois précieux, mais à peu près inexploitées à cause du manque de voies de communication. Au milieu des clairières habitent des tribus indiennes jusqu’à présent insoumises, cultivant des bananes, un peu de maïs, du cacao et du tabac, mais vivant surtout du produit de la chasse et de la pêche. Belliqueuses, très éprises de leur indépendance, n’ayant eu depuis l’arrivée des Espagnols que des rapports difficiles avec les blancs, elles se défendent jalousement contre toute infiltration dans leur territoire de la part de ces derniers. Pendant le printemps de 1920, les San Blaz surprirent à une centaine de kilomètres à l’Est de Colon, des chercheurs de caoutchouc. Ils en massacrèrent un bon nombre et, au moment de mon passage, il était question d’organiser une expédition pour aller les châtier.

L’isthme auquel s’attachait, et à juste titre, une si mauvaise réputation au point de vue sanitaire, est maintenant absolument sain, autant que peut l’être, pour des Européens ou des Américains du Nord, une région tropicale extrêmement humide, donnant la même sensation qu’on éprouve en se promenant