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REVUE. — CHRONIQUE.

ment dont se sert M. Lloyd George est tout à fait inexact. L’article 12 a soin de distinguer l’arbitrage et le simple examen du Conseil. Qui dit arbitrage dit compromis et sentence. Il ne saurait y avoir de compromis entre les Puissances alliées sur une question qui intéresse l’Allemagne et la Pologne, et il ne saurait y avoir de sentence de la Société dans une affaire qui relève des Puissances alliées. La Société ne peut donc procéder aujourd’hui en la même qualité que dans l’affaire des îles d’Aland, dans laquelle la Suède et la Finlande s’en sont rapportées à son arbitrage, ni non plus au même titre que si elle était investie par le traité d’un droit propre, comme, par exemple, dans les décisions à prendre sur le plébiscite d’Eupen et de Malmédy (article 34), ou sur l’administration de la Sarre (article 49), ou pour la garantie de la liberté de Dantzig (article 103). Elle n’a, cette fois, à intervenir que comme une sorte de comité consultatif, et si MM. Lloyd George et Briand se sont personnellement obligés à suivre ses indications, c’est là un engagement d’honneur, qui est évidemment sacré pour chacun d’eux, mais qui n’a rien à voir avec le traité.

La Société est maîtresse de recueillir, pour éclairer son avis, toutes les informations qu’elle jugera nécessaires. Elle peut procéder à des enquêtes, entendre des témoins, interroger l’Allemagne et la Pologne, envoyer des délégués sur place. Il est donc malheureusement très vraisemblable que le sort de la Haute-Silésie ne sera pas réglé demain et il reste à craindre que, malgré les platoniques avertissements du Conseil suprême à l’Allemagne et à la Pologne, nos troupes d’occupation ne soient encore exposées à de périlleuses surprises. On s’est demandé avec quelque inquiétude si une nouvelle cause de retard ne proviendrait pas de l’article 5 du Covenant, qui dispose : « Sauf disposition expressément contraire du présent pacte et des clauses du présent traité, les décisions de l’Assemblée ou du Conseil sont prises à l’unanimité des membres de la Société représentés à la réunion. » S’il fallait attendre cette unanimité, il passerait quelques cubes d’eau sous les ponts de l’Oder avant la solution définitive. Rien ne permet, en effet, de supposer que les thèses de l’Angleterre et de la France se rapprocheront plus aisément devant la Société des Nations, que devant le Conseil suprême. Mais, une fois encore, la Société ne peut pas avoir à prendre une décision proprement dite. Si elle en prenait une, l’Allemagne ou la Pologne serait en droit de prétendre que le traité de Versailles est violé et de refuser de s’incliner. Les différends qui sont portés devant le Conseil et qui ne