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Doherty qui prend la parole ; son allocution est pleine de finesse et d’une aimable bonhomie. Vient ensuite le sénateur Dandurand avec un discours d’une admirable tenue littéraire. Si on parle cette langue au Parlement canadien, les débats ne doivent pas manquer d’agrément !

Nous sommes tous frappés de l’éloquence des orateurs canadiens. Ils parlent… comment dire ? Ce n’est pas de la pompe et de la grandiloquence, mais de la solennité, mêlée de respect. C’est la langue du XVIIe siècle, aux belles périodes cadencées. Les orateurs sacrés du grand siècle devaient parler ainsi du haut de la chaire. « Vous savez le français mieux que nous, » leur dira tout à l’heure l’un des nôtres.

A propos des vieux mots et des formes archaïques que le langage canadien a gardés, le sénateur Dandurand explique que leur conservation est la conséquence du soin jaloux avec lequel les Français de Montréal et de Québec n’ont cessé de défendre leur langue maternelle contre la langue anglaise.

— Le Grand Roi, — ou plutôt le Grand Roué, — dit-il, n’a pas proclamé : l’Etat, c’est moi ; il a dit : l’Etat, c’est moue, et c’est pourquoi nos paysans canadiens disent encore aujourd’hui : le Roué, moue, la parouesse, etc.

Il exagère un peu. La langue française est restée vivante au Canada comme ailleurs et elle a évolué ; il suffit d’entrer dans une boutique de marchand pour s’en apercevoir. Un convive ne nous a-t-il pas dit tout à l’heure, en parlant de dames canadiennes fort distinguées qui prennent part au banquet : « Ce sont des femmes dépareillées ? » ce qui signifiait dans sa pensée : sans pareilles, non pareilles, autrement dit d’admirables femmes ! Il n’en reste pas moins que dans la haute société canadienne on parle un français exquis, limpide et clair, avec un parfum de vétusté qui en augmente l’agrément et en relève la saveur.

Au cours de ce banquet, le sénateur G. Ménier et le président de la Compagnie transatlantique, M. Dal Piaz, annoncent pour l’automne prochain l’ouverture d’une sorte d’exposition roulante, constituée par des échantillons des produits français réunis dans un grand train de chemin de fer, d’où le nom de « Train-Exposition, » et qui ira, avec des conférenciers, de ville en ville.

Après le banquet, on nous conduit à « la Montagne, » c’est-à-dire au Mont Royal, autour duquel la ville de Montréal s’est développée. De la terrasse qui la domine, le spectacle est de