Page:Revue des Deux Mondes - 1921 - tome 65.djvu/376

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

non Ulstérien, audacieux et organisateur, sir Edward Carson.

Ainsi le mouvement orangiste s’organise, et l’Ulster « rebelle » dresse la tête. Après une année de manifestations préparatoires, sir E. Carson proclame, le 28 septembre 1912, le Covenant qui bientôt se couvre de signatures et par où l’Ulster s’engage à se défendre « par tous lus moyens » contre le home rule. On crée un gouvernement provisoire, prêt à fonctionner au jour du danger. Et on recrute, on arme, on exerce une armée de volontaires pour sauver la cause — et la mise — de l’Unionisme en Ulster. Une armée, ce n’est pas un vain mot : on importe les armes et munitions, on encadre et on entraîne la troupe, on fait des manœuvres, on se prépare à la guerre. Le 24 avril 1914, on débarque à Larne et à Bangor 50 000 fusils et un million de cartouches provenant de la deutsche Munitionen und Waffenfabrik : dix mille orangistes participent à l’opération qui s’opère sous l’œil de la police avec la complicité de tous les fonctionnaires, depuis les amiraux jusqu’aux télégraphistes. L’Ulster avait à ce moment, dit-on, cent mille volontaires bien armés et prêts à marcher, avec cavalerie, sections cyclistes, automobiles, ambulances et ambulancières[1]. — Bluff et mise en scène, disent alors de bonnes gens. Oui sans doute, vis-à-vis de l’opinion anglaise, que l’Orangisme se propose d’impressionner, du gouvernement, qu’il veut intimider : il est clair que l’armée ulstérienne ne se battra pas contre les troupes anglaises ; celles-ci d’ailleurs refuseraient de marcher, ainsi que le montre alors l’incident du camp de Curragh où cent officiers, à la suite du général Gough, offrirent leur démission le jour où ils se crurent appelés à intervenir en Ulster. Mais vis-à-vis de l’Irlande elle-même, il en va tout autrement. Quand, dans un pays civilisé, un parti, qui d’ailleurs s’est toujours dit le parti de l’ordre, déclare solennellement vouloir résister « par tous les moyens » à certaine loi qui lui déplaît d’avance, et, avec la tolérance du gouvernement, se crée à cette fin une armée et s’entraine à la guerre, c’est l’anarchie, c’est la rébellion ou la révolution qui s’ouvre. Or nul n’ignore combien

  1. L’Allemagne s’intéressait fort au mouvement. M. de Kühlmann, depuis lors ministre de Guillaume II, vint en Ulster ce printemps-là. On vit des arcs de triomphe avec ces mots — Bienvenue au Kaiser. » Des journaux, des hommes politiques déclaraient à l’envi qu’ils préféreraient l’Allemagne et l’Empereur allemand au gouvernement de John Redmond et des Fenians. Un Allemand était instructeur militaire des volontaires ulstériens.