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sur place, à Coblence même, — le Reich, paralysé diplomatiquement, se gardera de provocations trop manifestes. Il nous opposera mauvaise volonté, force d’inertie, résistance passive. Il reculera devant un casus belli. Mais les Yanks partis, gare aux vilaines querelles et aux fausses dépêches !

À cette idée maîtresse, — rompre notre entente avec l’Amérique, — s’en ajoutait une autre, non moins heureuse au sens d’un ennemi retors qui ne serait pas fâché d’affaiblir son vainqueur avant de le provoquer derechef : nous obliger de pourvoir avec nos seuls régiments métropolitains aux charges de l’occupation ; partant, nous enfermer dans ce dilemme : ou bien étendre la durée de notre service militaire, mesure ruineuse et anti-démocratique, susceptible des pires répercussions intérieures ; ou bien réduire nos garnisons de France pour tenir celles du Rhin, en livrant l’arrière au bolchévisme.

Troisième aspiration enfin et corollaire du précédent postulat : n’ayant plus affaire en Rhénanie qu’à des soldats français moins immunisés que l’indigène contre certaines pratiques subversives, les infecter de ce même virus bolchevique dont les plus zélés agents de propagation ne se recrutent pas toujours dans la Russie des Soviets[1].

Ainsi procèdent les bons stratèges. Leur plan est à double ou triple effet. Si l’objectif essentiel n’est pas atteint, ils se rabattent sur de moindres avantages. Et sans doute est-ce aux résultats qu’on peut juger une campagne. Que celle de « la Honte noire » n’ait pas obtenu le succès qu’en escomptaient ses promoteurs, s’ensuit-il qu’on soit en droit de nier le mal qu’elle a fait et qu’elle peut faire encore ?


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Quand la propagande allemande s’embarque dans ces sortes de campagnes, tous les moyens dont elle dispose entrent automatiquement en jeu. Et ils sont formidables. Aux services spéciaux de la Wilhelmstrasse ne se rattachent pas seulement des bureaux d’information comme ceux de la Reichswehr, mais aussi

  1. La manœuvre eut un commencement d’exécution, comme le prouvent les mesures auxquelles dut recourir, à diverses reprises, la Haute Commission inter alliée des territoires rhénans. Par ailleurs, prétendre, comme la Frankfürter Zeitung du 7 juillet 1921, que le maintien des troupes américaines en Rhénanie arrange mieux le Reich que ne le ferait leur départ, n’est qu’une grosse malice cousue de fil blanc.