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« Ligue contre l’Infamie noire[1] » allait singulièrement faciliter les choses.

Cette ligue, de qui relève le soin de coordonner les efforts des agents qui opèrent en Allemagne et à l’étranger, s’adjoint le concours d’autres ligues, comme la Ligue de la Société démocratique, la Ligue de Détresse (président munichois Distler), la Ligue populaire, la Ligue « Sauvez l’honneur ! »[2], la Ligue des femmes de Wetsphalie et des Pays Rhénans, — j’en passe, et non des moindres, — lesquelles couvriront les murs d’affiches, multiplieront les réunions de protestation, organiseront des cortèges et des manifestations publiques, feront vendre jusqu’en Rhénanie, avec la complicité secrète du fonctionnaire prussien, d’immondes lithographies mettant en scène le « bourreau » sénégalais et ses « infortunées victimes, » monteront au théâtre et au cinéma des pièces et des films où nègres et Français prennent également figure de tortionnaires ; bref, renforceront de mille manières, y compris la chanson de brasserie si populaire dans le Reich, l’action déjà formidable de la presse chauvine, toujours disposée à paraphraser ce thème du Roter Tag : « Le marquis de Sade est le vrai héros national des Français. Il est la plus parfaite incarnation de l’âme française. »

Comme bien on pense, revues grandes et petites et journaux satiriques, genre Simplicissimus, Kladderadatsch, Rote Hand ou Muskelier Ulk, se mettront de la partie. Et tandis que les premières, par A + B, démontreront que le nègre, s’il n’est pas une régression sur l’anthropoïde, en a du moins toutes les tares et tous les vices ; tandis que les seconds représenteront le lion germanique entravé par un Sénégalais et cruellement édenté par un soldat français qui ne lui laisse qu’un croc, — probablement symbolique, — les éditeurs de musique lanceront des compositions à succès comme le Deutsch Hymne de Gustave Moritz.

Voilà, pour l’édification des compatriotes. Mais, comme on sait, il importe surtout de provoquer un irrésistible courant de sympathie à l’étranger. A cet effet, et pour y annoncer avec

  1. Deutscher Notbund gegen die Schwarze Schmach, siège principal, Munich, 11 Klarstrasse, et nombreuses filiales, dont celle de Berlin, 7 Kônigin Augustastrasse, recueille les pétitions et reçoit les étrangers.
  2. Retlet die Ehre ! siège à Brome. Affiliée à l’Orgesch, de même que la Deutscher Notbund, reçoit de larges subventions de la grande industrie et de la haute finance et agit surtout dans le Nord-Ouest de l’Allemagne.