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n’est appelé à signer la ratification que par la volonté des Chambres exprimée dans la loi d’approbation. Vainement aussi prétendrait-on que les défauts du traité de Versailles ne se sont révélés que plus tard. Des députés d’opinions politiques très différentes, tels que MM. Louis Marin et Franklin-Bouillon, les ont aisément aperçus et clairement exposés. Logiques avec eux-mêmes, ils ont ensuite voie contre le traité. La vérité est qu’à ce moment, des esprits très calmes à l’ordinaire étaient enivrés par la victoire et que ceux qui réclamaient des garanties supplémentaires, si haut placés qu’ils fussent, passaient pour des pessimistes ou des grincheux. Je n’accuse pas ceux qui ont cédé à l’entraînement général. Mais enfin, ils n’étaient pas condamnés au silence et à l’irresponsabilité ; ils avaient la liberté de leur suffrage ; et s’ils se sont abstenus de présenter la moindre observation, s’ils ont volé le traité sans mot dire, ce serait à la fois, de leur part, prudence et justice que d’apprécier aujourd’hui l’acte de Versailles avec un peu moins de sévérité. Il n’est pas vrai qu’au traité, si défectueux qu’il soit, soient dus tous les mécomptes que nous avons éprouvés depuis la cessation des hostilités. Ils sont dus, d’abord, à ce que nous avons persisté dans les mauvaises méthodes diplomatiques inaugurées par la Conférence de la paix ; ils sont dus ensuite à ce qu’à chaque réunion nouvelle du Conseil suprême, le Gouvernement de la République a renoncé, comme de dessein délibéré, à quelques-uns des avantages du traité. Laissons donc là les récriminations rétrospectives et tâchons de tirer pour l’avenir le meilleur parti d’une situation que les circonstances, encore plus peut-être que les hommes, ont douloureusement gâtée.

Les États-Unis viennent de nous donner, avec une autorité magistrale, une leçon que nous ferons bien de méditer. La paix séparée qu’ils ont signée avec l’Allemagne est un magnifique exemple d’« égoïsme sacré. » Ce n’est pas à Washington qu’on croit consolider les alliances en leur sacrifiant sans cesse les intérêts nationaux. On y fait les affaires de l’Amérique, comme on fait à Londres les affaires de l’Angleterre ; et après tout, ni à Londres, on n’a tort d’être Anglais, ni à Washington, on n’a tort d’être Américain. C’est à nous d’être Français à Paris. Malheureusement, nous nous obstinons toujours à justifier la définition qu’Alfred Fouillée donnait de notre caractère, lorsqu’il nous reprochait de ne guère comprendre la politique objective et de nous laisser guider tantôt par des conceptions rationnelles, tantôt par des notions subjectives, celles de