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en bas, dans les eaux d’un canal. Ainsi s’attestait à Leyde la vivacité de la jeunesse intelligente.

Nos Français n’étaient les derniers à aucun de ces jeux. Balzac et Théophile y prirent leur part.

Ils apprirent à boire. Théophile affirme qu’il ne but jamais trop : « cette débauche opiniâtre qui est ordinaire dans les Pays-Bas, » avec toutes les suites qu’ont fidèlement enregistrées les peintres hollandais, déplut à ce Gascon qui préférait l’ivresse de l’esprit. Surtout, il haïssait la façon de boire du pays. « Tous ces messieurs des Pays-Bas ont tant de règles et de cérémonies à s’enivrer que la discipline m’en rebute autant que l’excès. » N’est-il pas le poète qui a écrit : « La règle me déplaît ? » Au cabaret et dans les vers, il veut que sa fantaisie soit souveraine.

Quand ils se brouillèrent à Leyde pour la vie, s’il est vrai que Balzac vola (ou ne paya point) son logeur, et en fut bâtonné, que Théophile tira l’épée pour son camarade trop poltron, l’en méprisa et le trouva ingrat, est-ce que toutes ces scènes ne rentrent pas encore dans le train de la vie d’étudiant qui se menait alors ?

Toute la débauche n’était pas du côté de la jeunesse, tout le sérieux du côté des maîtres. Il y avait des étudiants rangés qui travaillaient. Il y en avait beaucoup. Réciproquement, il y eut des professeurs peu exemplaires. Il y en eut quelques-uns.

Dès la troisième année, il fallut congédier l’Allemand Reineker pour grossièreté et ivrognerie. Il avait, n’étant pas de sang-froid, montré, — que le lecteur me pardonne, — son derrière à son hôtesse en proférant des mots qu’on ne peut répéter. L’helléniste Vulcanius, ou de Smet, — un Belge, — était « féru de dez et de boisson. » Hélas ! notre compatriote, Le Baudier, de Lille, était « infesté » de créanciers et menait une vie scandaleuse. On finit par lui interdire l’entrée de la salle du Sénat. C’est lui, qui, festonnant d’un bord à l’autre de la Breestraat (ou rue Large), répondait à quelqu’un qui lui demandait où il allait : Eo per viam latam ad Portam Cœli : « Je vais par la voie large à la porte du Ciel, » qui est, comme on sait, la porte étroite ; et qui était aussi la taverne bien connue. En ce temps de solides études, les jambes du professeur pouvaient fléchir sous le vin ; son latin, jamais.

Mais pour quelques paillards, ivrognes ou joueurs, qui firent honte à l’Alma mater, que de figures graves ! que de vies