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reconnaît même à ces humbles une dignité, un droit à la susceptibilité, un droit même, jusqu’à un certain point, d’avoir mauvais caractère, tout comme s’ils étaient « bien nés. » Dans cette attitude humaine, on sent moins de philosophie réfléchie que de spontanéité naïve.

Quelle valeur eut pour Descartes le « divertissement » d’où naquit la petite Francine ? Je n’oserais trop dire : Descartes connut l’amour. Il connut la femme, une femme : voilà ce qui est sûr. C’était une fille d’auberge, Héléna Janz. Faut-il parler à ce propos de « vie sentimentale ? » Ne prit-il pas cette simple fille parce que l’amour d’une servante fait perdre moins de temps que l’amour d’une belle dame ? Les savants et les penseurs ont parfois de ces méthodes abrégées pour se débarrasser des sollicitations de la nature.

Les textes sont muets. Rien ne nous oblige d’y ajouter ni roman, ni drame. Nous n’avons droit de supposer que juste ce qu’il faut d’idylle pour que le 19 juillet 1635 apparaisse Francine.

Descartes avait connu la mère à Amsterdam où sans doute elle faisait son ménage, chez Thomas Sergeant, dans la Westerkerstraet. Lorsqu’elle fut grosse, il l’éloigna. Il la plaça à Deventer, où elle accoucha. Il ne publia pas sa paternité ; il ne la cacha pas tout à fait. Comme il ne mit pas son nom à la Méthode, il ne se laissa nommer ni Descartes, ni sieur du Perron, sur l’acte de baptême de Francine : il se fit désigner par son prénom et celui de son père, René fils de Joachim. Le ministre devait savoir qui il était. Ainsi il évite le scandale, et il fait son devoir.

En 1637, il cherche à remettre l’enfant, comme sa nièce, aux soins de son hôtesse, à qui il veut en même temps donner la mère comme servante. J’aime à croire qu’Héléna Janz, en effet, n’était plus alors pour lui qu’une servante.

Il s’occupe ensuite d’envoyer la petite en France, chez une dame du Tronchet, sa parente, pour recevoir une éducation convenable et catholique.

Francine mourut de la scarlatine en 1640. Descartes pleura sa fille avec « tendresse, » dit Baillet. Mais la douleur n’interrompit pas son travail. La direction de sa vie ne paraît pas avoir été un instant déviée.

Quant à la mère, il n’en sera plus question. On ne peut dire