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libres » de reconnaître l’Irlande en qualité de libre nation et d’admettre la « République irlandaise » à faire valoir ses titres au Congrès de la paix ; elle a nommé ses « ambassadeurs » à Paris. L’Irlande républicaine se fait alors bien des illusions sur les dispositions des Alliés et sur l’appui que les États-Unis pourraient prêter à sa cause. Que de grands et vains espoirs ont éveillé en elle les manifestes par lesquels le Président Wilson a promis la paix de justice et appelé le règne du droit fondé sur la libre disposition des peuples et le consentement des gouvernés ! La Chambre des Représentants n’a-t-elle pas voté, le 4 mars 1919, une déclaration intercédant pour l’Irlande auprès de la Conférence de Paris, et le 4 juin suivant, le Sénat de Washington n’a-t-il pas approuvé, à l’unanimité moins deux voix, une motion où il se déclare favorable à la volonté de l’Irlande d’avoir un gouvernement de son choix, et où il demande à la Conférence d’entendre les délégués irlandais ? A Paris même, la propagande irlandaise est appuyée par la présence de trois envoyés irlando-américains, MM. Walsh, Dunne et Ryan, qui remettent au Président Wilson un mémoire, — en quatorze points, comme de juste, — sur les revendications irlandaises, et profitent d’ailleurs de leur séjour en Europe pour aller faire une enquête de visu dans l’Ile Verte, d’où ils rapportent contre le gouvernement du « Château » un violent acte d’accusation. Pourtant, les espoirs diplomatiques de l’Irlande devaient fatalement se voir trompés. MM. O’Kelly et Gavan Duffy, délégués du « gouvernement élu de la République irlandaise, » déposent bien à la Présidence du Congrès la requête de l’Irlande ; mais l’Irlande n’est pas admise à la Conférence, — elle ne pouvait pas l’être, étant sortie de la guerre en vaincue, et sujette toujours de la grande victorieuse, l’Angleterre, — et la requête de ses délégués n’est même pas reçue officiellement. L’échec est consommé par l’article 10 du Pacte de la Société des Nations, qui dispose que « les membres de la Société s’engagent à respecter et à maintenir contre toute agression extérieure l’intégrité territoriale et l’indépendance politique présente de tous les membres de la Société. » C’est, par prétention, la condamnation en règle de l’Irlande. Mais cette condamnation, elle ne l’accepte pas, et elle agit énergiquement contre le Traité de Versailles dans le seul pays où elle dispose de quelque influence, aux États-Unis, où le « Président » de Valera, échappé de sa prison anglaise,