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ne consentit à reconnaître leur Compagnie que sous forme de Société et de Collège nommé Collège de Clermont, « et non de religion nouvellement instituée, à la charge qu’ils seront tenus de prendre autre titre que de Société de Jésus ou Jésuites. » Ces vocables semblaient impertinents et scandaleux à la Cour souveraine. Cela n’empêcha pas que plus tard, lorsque Louis XIV donna son nom au Collège et le déclara de fondation royale, — car le Collège de Clermont, comme tant de cités antiques, eut l’honneur d’être fondé deux fois, — on accusa les Pères d’une noire ingratitude envers leur premier fondateur. La vérité est qu’ils sacrifiaient de bon cœur un titre qui leur rappelait les conditions onéreuses de leur admission légale.

Ce grand Collège a enfin trouvé un historien digne de lui. M. Dupont-Ferrier, qui y professait hier et qui professe aujourd’hui à l’École des Chartes, vient d’en écrire l’histoire[1]. Depuis le livre de Quicherat sur Sainte-Barbe, nous n’avons rien eu de semblable. Ces monographies, où se reflètent, pendant des siècles, tous les états d’âme d’un pays, sont captivantes ; mais Louis-le-Grand a une autre importance que Sainte-Barbe. « La création des collèges de la Compagnie de Jésus, dit M. Dupont-Ferrier, fut le plus grand événement pédagogique du XVIe siècle. » Je dirai même que je n’en vois pas jusqu’à nos jours d’aussi considérable. Il y a une vingtaine d’années, lorsqu’un mouvement se dessina contre notre Enseignement secondaire, qui aboutit aux détestables programmes de 1902, un professeur de la Sorbonne, M. Durkheim, poursuivait âprement dans cet Enseignement un héritage des Jésuites. Il avait raison, non de l’y poursuivre, mais de l’y dénoncer. Les Jésuites ont été des novateurs, et, pour nous débarrasser de ce qu’ils nous ont légué, il faudrait que nous le fussions au même degré qu’eux. Certes nous avons modifié leur conception et sur quelques points très heureusement. Mais il se pourrait que dans leurs innovations ils eussent rencontré les lois immuables de l’enseignement. En ce cas, il vaudrait mieux le reconnaître et s’en féliciter puisqu’ils nous ont dispensés de les découvrir nous-mêmes. C’est ce qui ressort de l’ouvrage de M. Dupont-Ferrier, dont la partie la plus pittoresque, la plus vivante est celle où

  1. G. Dupont-Ferrier, Du Collège de Clermont au Lycée Louis-le-Grand (De Boccard éd.). L’ouvrage comprendra deux volumes d’environ 500 pages chacun. Le premier seul a paru.