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donna à l’exécuteur et son corps mort fut brûlé suivant l’arrêt. Belle figure, qui aurait eu sa place, — et qui l’avait peut-être, — à côté des images de ceux dont la science et la vertu étaient la fierté de la maison.

Les professeurs firent un bon usage de cette Bibliothèque et surtout les scriptores. Nous sommes trop tentés de croire que la culture grecque fut rare au XVIIe siècle et que les Jésuites s’en désintéressaient. On oublie la Collection des Histoires byzantines du P. Labbe, le Trésor de la Poésie grecque du P. Caussin, les traductions du P. Le Jay, les Réflexions sur la Poétique d’Aristote de l’aimable P. Rapin. Au début du XVIIIe siècle, le P. Jouvency « expliquait l’importance du grec pour l’érudition, l’histoire de l’art, la connaissance de la religion et la lutte contre l’hérésie. » On commençait le grec en sixième, et en 1643 les écoliers de Clermont étaient de force à soutenir des thèses en grec. Ce ne fut qu’à partir de 1750 que cette étude entra en décadence. Les parents ne croyaient plus à son utilité ; les élèves n’en voulaient plus, et, comme il arrive d’ordinaire, les maîtres eux-mêmes perdirent la foi. Le latin fut plus dur à ébranler. Le collège était une cité latine. Écrivains latins, poètes latins, les Pères s’efforçaient de former de parfaits latinistes. On jouait des pièces dans la langue de Térence ; on haranguait les illustres visiteurs dans la langue de Cicéron. Mais il en était du latin comme du grec : on l’apprenait pour lui-même. Les exercices de thème étaient plus fréquents que les exercices de version, et l’histoire de la littérature et du développement des idées se réduisait à peu de chose.

M. Dupont-Ferrier constate avec regret que l’étude du français était fort négligée, et il semble attribuer à cette négligence l’infériorité des Jésuites dans la querelle janséniste. Je ne le crois pas. Ce n’est pas leur faute s’ils se sont heurtés à l’étonnant génie de Pascal. Mais, quand ils écrivaient en français, ils écrivaient aussi bien que les Jansénistes. Demandez-vous ce qui reste des Jansénistes et si on ne lit pas avec plus de plaisir Bouhours que Nicole et Bourdaloue que le grand Arnaud. Quant à leurs élèves, ils ne semblent pas avoir souffert de la suprématie de la langue latine. L’année où les Pères furent expulsés, seize d’entre eux étaient à l’Académie. Et si Port-Royal revendique Racine, que pourrait aussi revendiquer le Collège de Beauvais, Louis-le-Grand a eu, pour n’en citer que deux, Molière