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Gouvernement américain et je comprends que le désir de répondre à une politesse par une politesse l’ait, d’abord, incliné à l’acceptation. Mais je crois, comme M. Gauvain, que le Président du Conseil serait mieux inspiré en renonçant, malgré tout, à ce long voyage. Le Président Harding est homme à comprendre et à agréer des excuses raisonnables. Le Gouvernement français n’a pas voulu retarder la rentrée des Chambres au-delà du 18 octobre, et il a eu raison ; il y aurait un péril immense à ce que ne fussent pas rapidement réglées tant de questions restées en souffrance, le budget, le régime des chemins de fer, les réformes administratives et fiscales, dont dépendra bientôt toute la vie de la nation. Je ne vois pas très bien, je l’avoue, comment le Président du Conseil pourrait, au lendemain de la reprise de si graves travaux parlementaires, trouver la liberté de s’absenter pendant, au moins, quatre ou cinq semaines. Nous avons, aux États-Unis, un excellent ambassadeur qui connaît son métier et qui parle l’anglais comme le français. Que M. Albert Sarraut, ministre des Colonies, se rende, en outre, à Washington pour y exposer et y défendre les intérêts de la France dans le Pacifique, rien de plus naturel et de plus utile. Mais, en temps normal, il serait déjà très difficile qu’un Président du Conseil entreprît ce voyage au cours d’une session ; dans l’état actuel des choses, il semble vraiment qu’il y ait à un tel éloignement une impossibilité morale et matérielle. Peut-être M. Briand a-t-il, pour persister dans son intention, des raisons que j’ignore ; mais si pressantes qu’elles soient, je me demande comment elles seraient de nature à détruire des objections tirées des nécessités gouvernementales.

M. Briand n’est pas seulement ministre des Affaires étrangères ; il est Président du Conseil, c’est-à-dire qu’il a la charge de la direction générale des affaires publiques. Éclate-t-il, comme ces jours-ci, une grève dans le Nord ? Il ne laisse pas à l’honorable M. Daniel-Vincent, ministre du Travail, dans le tact de qui il peut cependant avoir pleine confiance, le soin de convoquer les délégués des patrons et des ouvriers. Il prend lui-même la direction des pourparlers, et il n’a pas, en effet, le droit de se désintéresser d’un conflit qui pourrait, en se prolongeant, risquer de compromettre l’ordre dans toute une région industrielle. Mais est-ce donc là un incident isolé et n’est-il pas possible qu’il s’en produise, tous les jours, d’analogues pendant l’absence du Président du Conseil ?

Comprendrait-on davantage que les discussions budgétaires, celles qui vont engager tout l’avenir du pays, celles d’où sortira pour la