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D’après son récit, il avait obtenu de l’Impératrice régente la réunion, à Pékin, d’un Grand Conseil des vice-rois, auxquels elle tint, en substance, d’après ses recommandations, le discours suivant :

« Vous réclamez, énergiquement, pour la plupart, que notre Gouvernement repousse l’ultimatum du Tsar, humiliant, dites-vous, pour la dignité du Céleste-Empire. Mais vous devez savoir que la guerre, qui résultera inévitablement de ce refus, ne pourra être soutenue qu’au prix, d’énormes sacrifices de toute nature et surtout d’argent. Or le Gouvernement central ne possède pas de trésor de guerre ; il faut donc, avant tout, que vous consentiez tous à constituer ce trésor indispensable, avec les revenus de vos provinces dont vous avez disposé jusqu’ici librement. »

Ce petit discours, ajouta en ricanant triomphalement Li-Hong-Tchang, produisit l’effet souhaité. Après quelques discussions inévitables, le Grand Conseil décida, à une très forte majorité, d’accepter l’ultimatum du Tsar et de confier au vice-roi, comme d’habitude, le soin de faire droit aux réclamations du Gouvernement russe par un traité sauvegardant, autant qu’il était possible, au moins dans la forme, la dignité de l’Empire.


* * *

Quant à la façon dont le vice-roi, de son côté, venait en aide à l’Impératrice à titre de réciprocité, l’exemple suivant, non moins caractéristique, nous en expliqua clairement la nature et l’efficacité.

Pendant une des nuits de notre hivernage, des mouvements inusités de troupes se produisirent à Tien-Tsin, et, le lendemain, on apprit que Li-Hong-Tchang lui-même était parti avec elles pour Pékin, où il demeura pendant plusieurs jours. Or, après son retour, on sut, par la rumeur publique, qu’il avait pénétré dans le palais impérial, et la avaient eu lieu, sur ses ordres, des exécutions capitales : il s’agissait de réprimer sommairement des troubles dont s’était alarmée l’Impératrice.

On pourrait s’étonner, à ce sujet, que le vice-roi fût toujours assuré d’avoir accès, à son gré, dans Pékin, pour y porter secours à sa souveraine : ne risquait-il pas de se heurter aux milices tartares qui pouvaient lui barrer la route du palais ? En réalité, à cette époque, toute résistance de cette nature eût été