Page:Revue des Deux Mondes - 1922 - tome 10.djvu/242

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

en principe, au nom des trois pays de la Petite Entente, de consentir à la suspension du privilège général que l’article 197 du Traité de Saint-Germain établit au profit des réparations ; l’Autriche pourrait ainsi disposer de gages de valeur et contracter des emprunts. L’un des premiers actes de M. Poincaré, en arrivant au pouvoir, fut, après des pourparlers avec nos alliés, de demander aux Chambres l’autorisation d’avancer 55 millions de francs à l’Autriche pour l’aider à stabiliser son change, car ce qui paralyse les affaires, c’est moins le niveau des changes, si bas)soit-il, que son instabilité. Aussitôt l’Angleterre accorda 2 millions et quart de livres, le Gouvernement de Prague 500 millions de couronnes tchécoslovaques et l’Italie 70 millions de lire. Le crédit français fut voté à la Chambre le 7 avril, sur un rapport où M. Noblemaire démontrait avec force que la consolidation de l’Autriche est un intérêt français de capitale importance ; les vacances de Pâques survinrent et c’est seulement le 12 juin que le Sénat put, sur un excellent rapport de M. Dausset, confirmer le vote de la Chambre. Il était déjà trop tard : un nouvel effondrement de la couronne provoquait une crise économique et politique. Au Parlement de Vienne, ni le parti chrétien-social, qui est le plus fort, ni le parti social-démocrate, ne peuvent avoir une majorité sans l’appoint des voix du parti pangermaniste. Son rôle dans la vie politique de l’Autriche devient ainsi beaucoup plus important qu’il ne l’est dans le pays où il ne compte que 123 000 adhérents. La signature, avec la République tchécoslovaque, du traité de Lana (16 décembre 1921), qui constitue une heureuse étape vers une reconstruction économique de l’Europe danubienne, et les négociations de Gênes, valurent à M. Schober l’hostilité du groupe pangermaniste ; les voix socialistes et pangermanistes s’unirent, au Conseil national, pour rejeter un crédit de 120 milliards de couronnes que le Gouvernement déclarait nécessaire ; à son retour d’Italie, le chancelier donna sa démission. Les industriels et les banquiers allemands qui détiennent de gros paquets de billets autrichiens, les jetèrent sur le marché : la couronne s’effondra.

Un ministère pangermaniste et socialiste allait-il se constituer avec, pour programme, le rattachement à l’Allemagne et la socialisation ? Le Dr Otto Bauer, dans un discours aux syndicats ouvriers, exposa son programme : toutes les tentatives « bourgeoises » ont échoué ; il ne reste qu’une ressource, réaliser la fusion du mark et de la couronne ; avec huit milliards de marks l’Allemagne rachètera toutes les couronnes et avec huit autres milliards assurera le fonctionnement