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Page:Revue des Deux Mondes - 1922 - tome 10.djvu/582

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Être obscur, frissonnant au souffle de ces brumes ?
Lui dis-je. Il répondit : — Je suis une des plumes
De la nuit… »
— Ton nom ? dis-je. Il reprit…


Les premiers philosophes qui viennent se révéler au poète ont été appelés par lui les Voix ; et si, dans Dieu, l’athéisme a nom la Chauve-Souris, le scepticisme le Hibou, le manichéisme le Corbeau, le paganisme le Vautour, le mosaïsme l’Aigle, le christianisme le Griffon, le rationalisme l’Ange, ange et oiseaux ont dans la voix le tremblement de l’abîme, l’effarement des âmes désincarnées troublées dans leur quiétude et le sibyllisme enfin des interlocuteurs d’outre-tombe.

Telle page du Journal de l’Exil, dictée par la table, n’est que l’écho et presque la critique littérale du poème entier :

« Imprudent, tu dis : l’ombre du sépulcre par le le langage humain, elle se sert des images bibliques, des mots, des figures, des métaphores, des mensonges pour dire la vérité ; l’ombre du sépulcre n’a pas d’ailes, l’ombre du sépulcre ne tient pas de livre ouvert devant Dieu ; l’ombre du sépulcre n’est pas ange, comme l’Église le voit, en robe blanche et une palme dans la main ; l’ombre du sépulcre n’est pas une mascarade, tu as raison, je suis une réalité. Si je descends à vous parler votre jargon où le sublime consiste en si peu de tempête, c’est que vous êtes limités. Le mot c’est la chaîne de l’esprit ; l’image c’est le carcan de la pensée. Votre idéal c’est le collier de l’âme. Votre sublime est un cul-de-basse-fosse ; votre ciel est le plafond d’une cave ; votre langue est un bruit relié dans un dictionnaire, ma langue à moi c’est l’immensité, c’est l’océan, c’est l’ouragan ; ma bibliothèque contient des millions d’étoiles, des millions de planètes, des millions de constellations. L’infini est le livre suprême et Dieu est le lecteur éternel. Maintenant si tu veux que je te parle mon langage, monte sur le Sinaï et tu m’entendras dans les éclairs, monte sur le Calvaire et tu me verras dans les rayons, descends dans le tombeau et tu me sentiras dans la clémence. »


Descends dans le tombeau, c’est le dernier mot de Dieu :


Veux-tu toucher le but, regarder l’invisible…
Comprendre, déchiffrer, lire ? être un ébloui ?…
Ouvrir tes yeux, par l’ombre affreuse appesantis ?