vaut mieux. Les nations qui ont adopté la religion réformée sont les plus éclairées, prospères et vertueuses ; la science et la littérature s’y développent à merveille. Enfin le mémoire de Villers aboutit au panégyrique de l’Allemagne luthérienne.
Le Kant de Villers avait irrité l’Institut ; son Luther alla aux nues. Et l’Institut, c’est alors, et bien nettement, l’opposition déclarée à la politique de Bonaparte. L’on voit donc, cette fois, la propagande allemande s’insinuer à la faveur de la politique, la philosophie n’ayant pas donné ce qu’on attendait. La propagande allemande nous a guettés : et elle a profité des circonstances.
Que Villers soit un personnage de très petite valeur, c’est l’évidence. Mais ce qu’il faut observer, c’est l’astucieuse façon que les Allemands ont eue de l’acquérir et de l’employer. Ils l’ont acquis à leurs idées et à leur service, d’autant mieux qu’il était un fol ; et ils l’ont acquis par le moyen de cette Dorothée qui, ayant su toucher son cœur, ne l’a plus lâché. Elle le domina et, pour le garder, au profit de l’Allemagne, elle ne craignit pas de le séquestrer, sur le tard et quand il se fut émancipé de son amour. Elle l’avait, en quelque sorte, chambré dans une coterie de Luthériens allemands, à l’époque où il composait ce mémoire où il « identifiait la cause de l’Allemagne avec celle de la Réforme et gagnait ainsi à la première bien des sympathies, » où il secondait en France la séquelle des vieux révolutionnaires contre Bonaparte qui préparait la renaissance de notre pays.
Je suis persuadé que Mme de Staël eut sa bonne foi trompée, au temps où elle voyageait en Allemagne. Elle avait été mise en relations avec Villers par Jacobi. Le professeur Glaser écrivait à Villers : « Nous aurons fait une acquisition très précieuse sous tous les rapports, si vous réussissez à inspirer à Mme de Staël le goût de notre littérature. » Et le baron de Humboldt écrivait semblablement à Gœthe. Elle s’était brouillée avec Villers avant de partir pour l’Allemagne. Mais il y eut des Schlegel pour la séduire à maintes idées fausses. Pendant son voyage, ses lettres à Necker, publiées dans cette Revue par M. le comte d’Haussonville, et d’autres lettres où elle donne son impression toute fraîche sont très différentes de ce qu’on lit dans son livre de l’Allemagne. M. Reynaud le note justement.
Elle écrit, par exemple, au mois de novembre 1803 : « Arrêtée dans l’auberge d’une petite ville, j’ai été entendre un piano sévissant dans une chambre enfumée, où des vêtements de laine chauffaient sur un poêle de fer. Il me semble qu’il en est de même de tout : c’est un concert dans une chambre enfumée… » Lisons le