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élections sont fixées au 5 novembre. Ainsi la crise se termine à l’avantage du maréchal Pilsudski.

Le roi Constantin de Grèce n’avait pas, depuis longtemps, fait parler de lui. Le voici qui rentre en scène par un coup d’éclat. Il annonce, le 27 juillet, aux Gouvernements alliés, sa résolution « d’aviser aux mesures les plus propres à mettre fin au conflit avec la Turquie » et comme il a, par avance, massé en Thrace, près des lignes de Tchataldja, une quarantaine de mille hommes bien pourvus de munitions, ses intentions apparaissent : il s’agit d’occuper de vive force Constantinople. La presse allègue que l’occupation de la capitale du Sultan est le seul moyen de faire cesser la guerre et d’amener le Gouvernement de Mustapha Kemal à composition. Sous quelles influences le Gouvernement hellénique s’est-il résolu à une démarche aussi étrange et insolite ? C’est naturellement la première question qui vient à l’esprit. S’agit-il de quelque préparation électorale, de quelque surenchère antivenizéliste ? Peut-être. Il paraît certain que le Gouvernement britannique n’a pas officiellement poussé Constantin vers Byzance, car ni, à Londres, la diplomatie britannique n’a hésité à rappeler le roi de Grèce au sentiment des réalités, ni, à Constantinople, le haut-commissariat n’a tardé à prendre les mesures nécessaires pour prévenir un coup de main. Mais il est bien difficile de ne pas croire que certains agents subalternes ou officieux n’aient pas stimulé les ambitions du célèbre Tino en qui ils ont mis toutes leurs complaisances et qu’ils voudraient voir couronné dans Sainte-Sophie. L’Église anglicane s’intéresse vivement à de tels projets et fonde de grandes espérances sur Constantin et surtout sur le patriarche Meletios Metaxakis. Le 30 juillet, le haut-commissaire grec de Smyrne proclamait l’autonomie de l’Ionie, sous la garantie de l’armée hellénique. On a l’impression d’assister aux premiers actes d’un scénario préparé. Le 4 août, M. Lloyd George, interrogé par le lieutenant de vaisseau Kenworthy aux Communes, ne s’est pas expliqué sans ambages sur la politique grecque. Il veut la paix. La France la veut aussi. Les manœuvres de Constantin ne sont pas faites pour en avancer l’heureuse échéance, à supposer qu’elles ne soient pas le signal d’une nouvelle flambée de guerre. Il faut, immédiatement, mettre le holà !


RENÉ PINON.


Le Directeur-Gérant :

RENÉ DOUMIC.