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lui, au coin du feu, de vie nomade et de grands risques vagues ; celui qui a couru le monde retrouve, en le lisant, ses impressions et ses expériences, transformées par l’imagination un peu visionnaire d’un puissant conteur.


Jack London naquit à San Francisco en 1876. Ses parents étaient pauvres, et, pour une raison ou une autre, ne prospéraient dans aucune des fermes où ils s’installaient. L’enfant gardait les bêtes, allant à l’école ici ou là au hasard des occasions. Il avait neuf ans quand ses parents revinrent en ville, à Oakland, et il y resta jusqu’à seize ans. Il faisait des métiers variés, des métiers de petit meurt-de-faim, criait les journaux dans les rues, transportait des sacs de charbon, déchargeait les bateaux. C’était un robuste garçon. Dès cette époque, il commençait à boire de la bière forte, pour faire comme les hommes. En même temps, extraordinairement curieux de lire et avide de s’instruire, il passait ses heures libres dans les bibliothèques publiques. Puis un jour, il quitta la maison.


La magie de l’aventure s’empara de moi, écrit-il. Je ne me suis pas enfui, je me suis simplement en allé. Je rôdai un peu sur les quais de la baie, puis me joignis à une troupe de pêcheurs qui faisaient en contrebande la pêche des huîtres perlières... Ces jours héroïques de la piraterie sont passés ; mais, si l’on m’avait donné mon dû, j’aurais bien gagné là cinq cents ans de prison... Ensuite, je fus matelot au gaillard d’avant sur un schooner ; puis (ironie du sort !) je devins patrouilleur-policier, donnant la chasse aux contrebandiers de la mer ! A cette époque, nombre de Chinois, de Grecs, d’Italiens péchaient illégalement sur les côtes ; les patrouilleurs risquaient souvent leur vie à intervenir dans leurs trafics... mais, quoique n’ayant pas d’armes à ma disposition, je me sentais viril et sans frayeur, lorsqu’il me fallait aborder le bateau des contrebandiers... Plus tard, j’allai, comme marin, sur les côtes du Japon, dans une expédition de chasse au phoque, puis dans la mer de Behring. — Je revins en Californie, convoyai du charbon, travaillai dans une manufacture de jute. Une fois, je voulus de nouveau m’engager sur un bateau ; mais ma chance voulut que je le manquasse : il se perdit corps et biens.


Au temps où il travaillait treize heures par jour à la manufacture de jute, un journal de San Francisco avait ouvert un concours littéraire. London, d’après un souvenir tout vif encore, avait écrit : Un Typhon sur la Côte Japonaise, et avait