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France d’y apporter un plan très large de restauration financière et de réparations dont les grandes lignes seraient : règlement des dettes interalliées, moratorium général d’une durée assez longue pour permettre une réorganisation monétaire et économique dans les États à change déprécié, gages, contrôle, priorité pour les réparations. Nous avons déboursé, pour la restauration de nos régions dévastées, 90 milliards de francs-papier ; c’est une créance dont nous ne pouvons admettre ni la réduction, ni la discussion. Elle doit être intégralement payée. Lorsque cette dette sacrée sera éteinte, nous pourrons consacrer à nos débiteurs alliés une partie raisonnable des versements que l’Allemagne pourrait encore faire.

L’échec des négociations de Londres ne signifie pas une rupture de l’Entente cordiale, ni même latin de la collaboration des deux Puissances pour l’exécution des traités de paix. Il n’en reste pas moins vrai que, pour le moment du moins, la France et l’Angleterre séparent leur cause et que leur désunion ouvre la porte à toutes les forces de dissociation, à toutes les tentations de revanche. Mieux vaut cependant sortir de l’équivoque et de l’impuissance. Nous nous séparons, avec regrets, non pas du peuple anglais, mais d’un Gouvernement que rien ne peut éclairer, — pas même le voyage triomphal du maréchal Hindenburg à Munich et les manifestations militaristes et monarchistes dont il a été l’objet, — et à qui manque cette expérience du voisinage allemand que l’histoire nous a donnée. Nous ne nous éloignons pas de l’Angleterre, ni de l’Empire britannique, dont les braves soldats se sont héroïquement battus sur notre sol ; nous nous séparons d’une politique qui conduit la France, l’Allemagne, l’Angleterre elle-même, et toute l’Europe aux abîmes. Mais nous ne perdons pas l’espoir de voir l’opinion anglaise, mieux éclairée, ramener son Gouvernement à une plus juste compréhension de ses propres intérêts et à un plus juste respect des nôtres.

Désaccord n’est pas rupture. La Conférence, après avoir constaté, dans sa séance matinale du 14, l’impossibilité d’une entente à propos du moratorium, a tenu une nouvelle réunion à cinq heures. Elle a, très rapidement, examiné la question des paiements au compte des compensations, et ce fut pour donner raison à la politique française. Puis elle a abordé la question d’Autriche et ce fut, presque sans débat, pour en renvoyer la solution à la Société des Nations. Est-ce la voie la plus rapide ? On en peut douter ; cependant, l’urgence est extrême ; le sort de l’Autriche n’est pas moins capital, pour la sécurité de la France, que l’avenir de l’Allemagne. D’ailleurs, les deux