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écoliers visitent le Jules Michelet ; les écoles françaises groupent trois mille élèves, pour la plupart musulmans ou Israélites ; l’enseignement parait en très bonnes mains, et je remarque parmi nos visiteurs beaucoup de physionomies ouvertes et très sympathiques. Pendant l’après-midi, des automobiles nous conduisent visiter « sur la montagne » la villa de Moulay Hafid, qui est sous séquestre. Elle domine un site admirable : tout le détroit, l’Océan, la côte d’Espagne jusqu’à Trafalgar. Puis l’heure du thé nous ramène à la Légation, où se pressent toutes les colonies européennes, ainsi que le Naïb et une vingtaine de notables marocains dont les burnous font merveille au milieu des uniformes et des robes élégantes. Mais nous sommes en Rhamadan, et les fidèles musulmans observent rigoureusement le jeune absolu du carême. J’aurais voulu les réunir à déjeuner demain à bord, mais la nouvelle lune n’a pas paru dont le fin croissant aurait mis fin aux rigueurs ascétiques : astronomiquement, le mois du carême est terminé, mais les ulémas n’ont pas pu le déclarer encore. Le soir, banquet des combattants, dont l’enthousiasme est vraiment touchant. Le ministre de France ouvre la série des toasts, puis le président, M. Chenay, m’adresse un discours beaucoup trop élogieux. Me voilà forcé d’y répondre !


Mes chers compagnons d’armes,

Je suis très heureux de me retrouver au milieu de vous, sur la terre marocaine, et je suis très touché de votre accueil.

Vous voulez bien vous souvenir que je suis venu à mon heure apporter une pierre à l’édifice qui se construit au Maroc depuis quelque dix ans : l’habile architecte qu’est le maréchal Lyautey a su la mettre à sa place dans son œuvre magnifique, aujourd’hui si proche de son achèvement.

Vous avez rappelé mon rôle dans cette guerre. Du généralissime au dernier soldat, chacun a combattu à son rang avec tout son cœur : de cette volonté commune, de ces efforts tous indispensables, est sortie enfin la Victoire. Chacun y a sa part. Qu’eussent pu les chefs, sans ces soldats que vous êtes ? Souvenez-vous de votre départ, mes camarades ; aucun d’entre vous n’était l’objet d’une contrainte immédiate, et, tous volontaires, tous vous avez couru à l’appel de la patrie menacée qui tirait l’épée pour sa défense en même temps que pour le droit et pour la justice.