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du Temps à Gênes, montre bien que les financiers américains ne partageaient en aucune manière les illusions de M. Lloyd George sur les avantages qu’on peut attendre, — toute autre considération mise à part, — de la reprise des relations avec la Russie pour la reconstruction économique de l’Europe :


L’Angleterre insiste beaucoup sur son besoin des marchés russes. Mais dans les années précédant la guerre, moins de 3 pour 100 du commerce extérieur de l’Angleterre se faisait avec la Russie. Dans toutes les éventualités, la Russie ne peut qu’offrir pour quelque temps un champ de vente de ces marchandises à crédit. Sa restauration économique et politique est sans doute un but important, mais l’effet immédiat de tout arrangement qui peut être conclu à Gènes ne sera jamais bien grand en ce qui concerne la vie économique de l’Europe. La faillite de la Russie est trop complète, trop grande la difficulté de rétablir des relations.


En même temps, M. Samuel Gompers déclarait qu’il espérait que les États-Unis ne feraient pas comme le Gouvernement britannique et d’autres Gouvernements qui envisagent la reconnaissance possible de la tyrannie bolchéviste. Le président de la Fédération américaine du travail ajoutait qu’il possédait la preuve que les fonds envoyés aux États-Unis par les bolchévistes pour leur propagande s’élevaient à plusieurs millions de dollars et considérait que la reconnaissance d’un tel Gouvernement serait une trahison envers la civilisation.

Mais il n’en reste pas moins que le refus, — assez légitime et à coup sûr prudent, — des États-Unis de participer à cette Conférence manifeste une fois de plus le sentiment anti-européen qui s’est propagé parmi la nation et la répugnance du Gouvernement aussi bien que du peuple américain à entrer dans une entente définitive avec l’Europe avant que les diverses nations se soient mises d’accord sur les graves difficultés qui les divisent ou les opposent. Tant que cet accord ne sera pas réglé, les États-Unis ne veulent pas être entrainés dans les questions de politique européenne. Comment ne voient-ils pas que leur intervention est indispensable à ce règlement lui-même ? Ils semblent envisager le grand problème des relations internationales avec les habitudes positives qu’ils doivent au maniement des intérêts pratiques. Le sens des affaires aurait ainsi, chez nos amis d’Amérique, une tendance à rétrécir le sens politique et à limiter son horizon. L’attitude d’isolement