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La Reine éclata de rire. Elle parut très amusée de ce récit, et finit par se rendre aux instances de la Quentin.

— Eh bien ! dit-elle : j’y consens ; qu’on m’amène cette fine mouche !…

La Quentin ne demandait que cela. Mais comment faire pour vaincre les résistances de la Camarera ?…

Sur ces entrefaites, la Reine-mère parut, conduite par la Camarera mayor elle-même.

Dès qu’elles furent seules, la jeune reine lui fit part de son désir de voir l’ambassadrice de France. Marie-Anne d’Autriche, qui recherchait toutes les occasions d’être agréable à sa bru et de gagner son amitié, promit d’en parler au Roi.

Rentrée chez elle, au palais d’Uzéda, où elle habitait, cette altière princesse envoya un homme de confiance, dire à l’ambassadrice qu’elle souhaitait l’entretenir le plus tôt possible.

Mme de Villars fut aux anges de cette glorieuse invitation. Elle l’avait d’ailleurs provoquée par toute espèce de manèges substils et souterrains, de même que, par la Quentin, elle avait fait suggérer à la jeune Reine le désir de la voir.

Dès son arrivée à Madrid, cette femme de tête, toujours soucieuse de l’avancement de son mari, avait conçu tout un plan, dont elle espérait les plus grands avantages pour le service du Roi et pour la fortune de M. de Villars. Celui-ci était censé ignorer les intrigues de sa femme. Il avait reçu, en quittant Saint-Germain, les instructions les plus précises touchant la conduite à tenir dans son ambassade. Il devait, jusqu’à nouvel ordre, observer une attitude expectante, se bornant à surveiller les partis en présence. Mme de Villars, sitôt qu’elle eut mis le pied à la Cour Catholique et qu’elle y eut pris le vent, persuada à son mari de former un triumvirat avec les deux Reines pour gouverner le débile Charles II. L’ambassadeur approuva fort le projet, mais en chargeant sa femme de l’exécution. En cas de réussite, il se glorifierait de l’avoir conçu et mené à bien. Dans le cas contraire, il arrêterait au plus vite les agissements de l’ambassadrice, et au besoin, il la désvouerait.

Aussi, lorsqu’elle reçut le message de la Reine-mère, était-il assez concevable que Mme de Villars en fût enchanté. Cette Allemande, cette princesse si fière faisait donc les premiers pas !…