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régularité, inscrivant presque jour par jour, sur un cahier à ce destiné, les observations dont je croyais devoir conserver le souvenir, sans me préoccuper de l’insignifiance des dates et des faits, et de la manière dont elles étaient rédigées, et du peu d’intérêt que ce travail presque quotidien pouvait présenter. C’était pour moi que je le faisais : il m’importait alors très peu que cela fût bon ou mauvais, insignifiant ou intéressant. L’essentiel était de persévérer et de conserver. J’y suis parvenu après bien des contrariétés et des soins.

Si je le transcris à nouveau, c’est pour réunir les nombreux cahiers dont ce journal se compose, cahiers devenus malpropres, déchirés et effacés dans bien des pages, par suite des nombreux voyages et déplacements qu’ils ont été contraints de subir. Je l’écris aussi pour me remettre dans la mémoire les divers souvenirs qu’il contient. En m’occupant de ce long travail, je trouverai l’occasion d’employer mes journées et mes longues soirées d’hiver, de manière à me les faire paraître moins ennuyeuses. Sortant peu et vivant presque seul, cela me géra un remède contre l’oisiveté et les amères réflexions de la triste vieillesse.

Je n’apporte aucun changement important dans sa rédaction primitive. Tel que je l’écrivis dans mes veillées de voyage ou de garnison, et dans mes soirées de bivouac, tel il se trouvera dans son nouveau format. Si mon fils parcourt un jour ce journal, il se convaincra que je n’ai manqué ni de constance dans ma résolution de le tenir, ni de patience pour le remettre au net, travail bien laborieux et fastidieux pour un homme âgé et peu habile à écrire...


L’ARRIVÉE À PARIS

Avant traversé Essonnes et Villejuif, nous entrâmes à Paris le 7 juillet 1804 à quatre heures du soir, par la rue du faubourg Saint-Victor, où nous descendîmes de voiture. Une fois sur le pavé, nous primes un porte-manteau, et nous nous dirigeâmes sur la rue Grenelle Saint-Honoré où l’on nous avait désigné un hôtel. L’arrivée de vingt-sept gaillards fatigués de la course qu’ils venaient de faire à travers Paris, la valise sur le dos et la faim dans le ventre, de très mauvaise humeur par conséquent, épouvanta l’hôtelier, qui déclina l’honneur de loger tant de jeunes héros en herbe. Fort embarrassés de trouver une maison