Page:Revue des Deux Mondes - 1922 - tome 11.djvu/512

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

le grand état-major général de l’armée qui s’y trouvait réuni. Les autres corps d’armée passèrent le Rhin au-dessous de Strasbourg. Toutes ces troupes étaient remarquables par leur tournure martiale, leur belle tenue et leur enthousiasme qui était poussé jusqu’au délire.


ENTRÉE EN ALLEMAGNE

Passage du Rhin à Kehl, entrée en Allemagne par les Etats de l’électeur de Bade. Je ne passai point le majestueux fleuve sans éprouver un secret sentiment de contentement, quand ma mémoire me rappela tous les beaux faits d’armes dont ses rives avaient été témoins depuis Louis XIV. Ces souvenirs belliqueux me faisaient désirer d’être aussi témoin de quelques glorieux combats où je pourrais satisfaire ma vive impatience.

1er octobre. — Avant le départ de Rastadt, on lut aux compagnies assemblées la proclamation de l’Empereur qui annonçait l’ouverture de la campagne contre les Autrichiens qui venaient d’envahir la Bavière ; elle nous annonçait aussi des marches forcées à faire et des privations de toute espèce à endurer : elle fut accueillie par des cris de « Vive l’Empereur ! » On nous prévint en outre, qu’il n’y aurait plus de grande halte, ni de journées d’étape réglées comme en France, et qu’il fallait, en conséquence, conserver des vivres pour la marche. Et puis défense de manquer aux appels, de rester en arrière, etc.

Ayant passé le Danube à Donawerth et traversé la Souabe autrichienne par des chemins impraticables, Barrès, le 14 octobre, bivouaque sur les rives du fleuve.

Le soir, la compagnie passa sur la rive gauche du Danube pour garder la tête du pont qui avait été brûlé par les Autrichiens, mais sur lequel on pouvait passer par le moyen de quelques planches qu’on y avait placées. Pendant deux heures je fus en faction au bord d’un ravin, sur l’autre rive duquel était aussi une sentinelle ennemie. Nous nous observâmes mutuellement sans tirer, pour ne pas troubler le repos de la partie de l’armée qui se trouvait dans les environs. Vers le milieu de la nuit, nous repassâmes le Danube, et toute l’infanterie de la Garde remonta la rive droite à peu près une lieue pour prendre position sur une hauteur où nous passâmes le reste de la nuit, sans feu et sans abri, et sous les froides atteintes d’une bise hyperboréenne.