Page:Revue des Deux Mondes - 1922 - tome 11.djvu/726

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

toujours eu deux aspects : amitié avec le Turc, mais, grâce à celle amitié, protection du Chrétien. La méthode des Nazim et des Talaat ramènerait fatalement des interventions armées. La victoire turque pourrait créer pour l’Europe un danger si le Gouvernement national se laissait troubler par sa fortune inespérée et ne se montrait pas assez fort pour canaliser et endiguer le mouvement pantouranien et séparer sa cause de celle du bolchévisme asiatique. Si les Alliés laissent se rétablir en Europe la puissance turque, c’est à la condition que le Gouvernement turc se fera européen ; s’il jouit des avantages de ce titre, il devra en supporter les charges.

L’amitié franco-britannique sort encore victorieuse d’une crise dans laquelle elle aurait pu sombrer ; la preuve est faite, une fois de plus, que, si la France a besoin de l’Angleterre, celle-ci n’a pas moins besoin de la France. Faute de l’avoir compris à temps, les Anglais subissent une diminution de prestige dont nous ne nous réjouissons pas, mais qu’il faut bien constater. Les avantages qu’ils espéraient, ils les auraient sans doute obtenus s’ils s’étaient souvenus que la politique est l’art des réciprocités et s’ils avaient pratiqué,-avec nous, depuis 1918, en Orient et ailleurs, une politique de solidarité et de confiante collaboration. Est-il trop tard ?

L’Allemagne, après quelques négociations infructueuses, a trouvé les fonds nécessaires pour garantir les traites qu’elle remet, et remettra jusqu’en janvier, à la Belgique. D’autre part, l’accord Stinnes de Lubersac nous fait faire un pas décisif dans la voie des réparations en nature. Enfin la Société des nations, dans son assemblée générale, a adopté à l’unanimité une motion, défendue avec beaucoup de talent par M. Henri de Jouvenel, l’un des délégués français, qui affirme la nécessité de résoudre selon la thèse française la question des réparations et des dettes interalliées. Nous reviendrons, lorsqu’elle sera achevée, sur cette session particulièrement brillante et féconde ; mais il fallait mentionner aujourd’hui ce succès pour conclure que, dans les plus redoutables problèmes que la guerre a laissés à l’Europe, la politique française a montré la voie qui, avec de la persévérance, conduira aux justes solutions. On peut, en vérité, marquer d’une pierre blanche la quinzaine qui vient de s’écouler.


RENE PINON.


Le Directeur-Gérant :

RENÉ DOUMIC.