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des grandes maximes du style sévère » et lui rappelle que « sa vocation est de faire revivre les principes de composition, de style et d’exécution de la belle Antiquité. » Il fallait exorciser impitoyablement tout ce qui pouvait rester encore en lui du « mauvais esprit » du trop récent passé, le libérer de « toute coquetterie de style, » en faire enfin dans toute la force et la majesté du mot « le continuateur de l’antique. »

Le succès du monument Ganganelli, l’admiration qu’il avait de toutes parts suscitée et dont les échos s’étaient prolongés bien au delà des limites de la Ville et des frontières des Etats pontificaux, piquèrent d’émulation les neveux du pape Rezzonico, Clément XIII. Jusque-là ils avaient écouté leur goût d’économie plus que leur piété familiale. Ils n’hésitèrent plus et commandèrent à Canova le tombeau de leur oncle, non plus pour une simple église, mais pour la basilique des basiliques, pour Saint-Pierre de Rome ! Sur le choix du statuaire, aucune hésitation n’était désormais possible. A défaut de sa renommée, Canova n’avait-il pas à leurs yeux un titre décisif : celui d’être « Vénitien » comme Rezzonico, lui-même. Quelle plus belle occasion d’introduire dans les splendeurs de la basilique vaticane, le lion de saint Marc !

Travailler pour Saint-Pierre, quel sujet d’intimidation et d’émulation à la fois pour un sculpteur ! Canova allait y prendre place entre Guglielmo della Porta qui avait renouvelé pour le pape Farnèse le thème des tombeaux des Médicis et le cavalier Bernin qui, autour des statues d’Urbain VIII et d’Alexandre VII, avait mis « en action » et avec quel lyrisme, quelle impétuosité, les figures pathétiques des inévitables Vertus.

Avant d’entreprendre l’exécution de la statue de Clément XIII, Canova voulut se bien pénétrer de la ressemblance du pontife. On conserve à Possagno l’étude qu’il fit de ce visage envahi par l’embonpoint, ridé à la fois et bouffi, de ces lourdes épaules voûtées, — et c’est un buste qui pourrait prendre place parmi les plus vivants du XVIIIe siècle. On y retrouve le Canova « réaliste, » qui s’amusait à l’occasion à sculpter la rude figure d’un simple portefaix. Par la suite, il arrivera souvent entre les premières ébauches et l’exécution définitive de ses bustes, que la préoccupation des théories du Beau interviendra, pour atténuer, refroidir l’accent individuel et l’expression physionomique qu’il avait d’abord vivement notés... Les puristes ne reprochaient-ils