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un cuirassé, — rien de moins, — un cuirassé qui s’appelle Vedette. Indignation, diatribes, insultes, naturellement. Or, il ne s’agissait pas du cuirassé Vedette, lequel n’a jamais existé ; mais d’une vedette, d’une barque à quatre rameurs, qui stationnait à Belgrade depuis le début de la guerre, et dont la France n’exigeait pas le retour. Passe encore, si c’était un fait isolé ; mais les exemples du même genre sont en grande abondance et il s’agit d’un procédé constant. Les journaux consacrent des colonnes à des nouvelles sensationnelles qui prêtent un rôle odieux à la France : ces nouvelles se trouvent être fausses de tout point, et on les dément quinze jours après par deux lignes au bas d’une page. Si l’on imprimait que vous avez fait sauter le Palais de Justice, — ce qu’à Dieu plaise, car il est bien laid ! — ou volé le château Saint-Ange, il y aurait des gens pour le croire. Une certaine presse est comme enragée contre vous ; il existe à Rome des journaux dont la tâche essentielle semble être de déverser chaque matin des calomnies sur votre compte ; je ne crois pas qu’en Allemagne même, on fasse mieux dans le genre. En Allemagne, cela se comprend : en Italie, cela étonne tout de même un peu.

« Vous jouissez du traitement de la nation la plus favorisée : et je le prouve. Vous avez contre vous les socialistes, qui vous accusent tous les jours d’être les réactionnaires, les bourgeois, les impérialistes qui retardent le règne de la paix universelle. Vous n’avez pas pour vous les fascistes, qui vous accusent de faire obstacle à la politique d’expansion de l’Italie. Et les populaires, qui n’ont pas oublié votre anticléricalisme d’autrefois, qui connaissent assez mal la France catholique, et qui ont de nombreux liens avec l’Allemagne, ne vous aiment pas. Vous faites l’union.

« D’ici, on vous voit sous un jour singulier : c’est peut-être une des raisons qui expliquent que vos ennemis soient si nombreux, et que vos amis se taisent. On s’imagine que vous avez tiré de la guerre des avantages considérables, inouïs ; on grossit, on multiplie ces avantages imaginaires ; on se figure une France en pleine prospérité, riche, heureuse ; son commerce est actif, son industrie florissante : une France de rêve. De là rien n’est plus facile que de passer à l’idée d’une France égoïste, qui pourrait aider l’Italie si elle le voulait, et qui ne le veut pas ; qui refuse par malice ce qu’elle pourrait concéder sans