Sous le ciel de Rome, les choses ne se passent pas tout à fait comme à Paris. Personne ne pourra qualifier cette vérité de paradoxale : c’est parce qu’on l’oublie, cependant, que naissent beaucoup de malentendus ; et les malentendus engendrent les inimitiés.
Parmi tant de mots qu’il est difficile ou impossible de rendre en français, il y a le sfogo : au moins peut-on chercher à l’expliquer. Agité par quelque émotion forte, l’Italien ne cherche pas à se contenir ; au contraire, il faut qu’il manifeste extérieurement sa colère ou sa joie. Si c’est de la colère, il entend, parbleu ! s’emporter tout de suite ; elle lui monte à la tête comme une ivresse subite ; il est du premier coup au paroxysme de la passion. Il ne ressemble pas à ces peuples qui commencent une discussion avec calme, se montent progressivement, et arrivent ainsi à une sorte de fureur concentrée. Au contraire ; comme il est vif en toutes choses, son premier mouvement est rapide, et volontiers excessif. Ce moment psychologique est quelquefois à craindre, surtout quand il se produit chez les gens du peuple, qui, n’étant pas maîtres d’eux-mêmes, ne se contentent pas d’invoquer désobligeamment la Madone, et se livrent à des violences qu’ils ont ensuite lieu de regretter. Mais le plus souvent, il n’est pas dangereux, à condition qu’on veuille bien le subir sans résistance inopportune, qu’on ne le prenne pas au tragique et qu’on attende le second moment, celui où le calme va sûrement revenir. Notre voisin se fâche d’abord ; quand il apprend une nouvelle qui le blesse, il ne s’inquiète pas de savoir si elle est fausse ou vraie ; il nous dit des choses désagréables ; il réagit instantanément, sans retenue ni mesure. Fort bien ; laissons passer sa fâcherie ; soyons assez sages pour ne pas nous fâcher également ; prenons quelque peu patience ; concédons-lui le luxe des propos imagés, des phrases malsonnantes, voire des gestes vifs : cet orage, qui a éclaté dans un ciel serein, passera vite ; et nous discuterons ensuite de bonne amitié. En échange, il nous fera grâce de tel ou tel de nos travers, que nous ne voyons point parce qu’il est nôtre, et qui le blesse également.
Un second trait dont il faut tenir compte, c’est l’habitude de la violence. En fut-il toujours ainsi ? Peut-être ; il ne serait pas difficile de trouver dans la littérature italienne des violents en