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toujours en Bavière, mais, hors de Munich. Du 23 au 27, à Nuremberg, à l’occasion d’une exposition de machines agricoles, une série de fêtes se déroulent. Là, en temps normal, les partis de gauche dominent ceux de droite, mais les organisateurs ont pris soin de faciliter le voyage à une foule de paysans qui, eux, ne sont rien moins que républicains ; aussi l’exposition dégénère-t-elle en manifestation nationaliste et monarchiste. Un concours hippique présidé par le général Liman von Sanders, le même qui fut en Turquie avant et pendant la guerre, détermine une explosion d’enthousiasme en faveur de l’armée. Une collecte au profit de l’aviation et des exhibitions de propagande correspondantes fournit une excellente raison de protester contre les traités et leurs auteurs. Un cortège de paysans revêtus de costumes régionaux est une occasion, trop favorable pour qu’on la néglige, de faire défiler des Hauts-Silésiens, des Schleswickois, des Alsaciens et même des Tyroliens ; leur passage provoque de bruyantes ovations. Le ministre de l’Agriculture passe inaperçu dans le temps que Ludendorff et le grand-duc de Mecklemburg sont reçus en triomphateurs. Le drapeau républicain est arraché à la caserne de police et à la gare ; partout on chante « l’Allemagne au-dessus de tout » et on moleste ceux qui, par hasard, ne se découvrent pas. Il faut qu’arrive la nouvelle de l’assassinat de Rathenau pour que les partisans de la République, indignés, osent se livrer à quelques contre-manifestations.

On se tromperait d’ailleurs en pensant qu’en Bavière, les partis de gauche professent moins de haine que ceux de droite pour le traité de Versailles et pour la France. Tout dernièrement, un député qui porte cependant l’étiquette « démocrate, » réclamait, à l’occasion de la discussion du budget de l’Instruction publique, la suppression de l’enseignement obligatoire du français et son remplacement par l’anglais ; la commission du Landtag l’approuva unanimement. Les républicains purs, ou supposés tels, ne font eux-mêmes à la France aucun crédit ; au cours d’une réunion de protestation contre l’assassinat de Rathenau, un ancien ministre socialiste dénonçait notre pays comme le foyer de la réaction, le complice de l’Angleterre et de l’Amérique en vue d’une restauration monarchique. Le chef des socialistes-nationaux de Munich ne s’est pas montré moins violent : « Nous ne reconnaîtrons jamais le traité de Versailles ;