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bon ordre, prenant pour cible le clocher de l’église, autour duquel étaient campés les généraux Alexéïeff et Denikine avec leur état-major.

Adieu, pains de Pâques, « koulitchis, » « paskhas » et œufs rouges ! Il fallut évacuer sur l’heure Lejanka : nous reprîmes la marche vers le Don, en direction d’Egorlitzkaïa.

L’étape fut enlevée avec allégresse. D’abord, nous allions vers le Don, nous nous pressions pour ne pas manquer la messe de Pâques.

Déjà la nuit était venue : la lune s’était levée dans un ciel brumeux. Soudain, de l’obscurité surgirent des moulins, annonçant l’approche du village. Chacun se hâta. Les chevaux accélérèrent leur allure. Des maisons apparurent çà et là.

Fiévreusement, nous nous mimes à chercher chacun son logis, et, peu après, nous prîmes tous le chemin de l’église.

La messe de Pâques était commencée.

L’église pleine de monde était brillamment éclairée. Il y faisait très chaud, en raison de la foule qui s’y pressait et de la flamme des cierges. La sueur perlait aux fronts. Mais quel délice d’entendre notre superbe : « Jésus est ressuscité ! »

Je regardais les Cosaques, je regardais mes amis : des larmes de joie, des larmes de résurrection perlaient aux yeux.

— Jésus est ressuscité, disait le prêtre.

— En vérité, il est ressuscité, répondait l’assistance.

Maintenant encore j’entends les paroles sacrées. Et je revois ces humbles figures illuminées par la lueur des cierges ; je ressens encore en moi ce transport inoubliable et immense qui alors me plongea dans le bonheur.

Oui, Jésus est ressuscité, et nous aussi, nous ressusciterons !

Les sons du grand chant, si triste, mais si magnifique par la force, l’espérance et la plénitude de bonheur qu’il semble dégager, serrent le cœur si délicieusement que le cierge tremble dans la main et les larmes dans les yeux reflètent tous les feux des autres cierge ? , tandis qu’un immense flot de joie gonfle le cœur.

Le prêtre et le général Alexéïeff s’embrassent, et, après lui, c’est Denikine.

On ne peut plus se retenir, on pleure sans savoir pourquoi.