beaucoup plus loin, jusqu’aux origines de notre langue. Ne réclame-t-il pas, pour la Belgique, la 'Cantilène de sainte Eulalie' ?
Nous n’allons pas lui disputer cette pauvre Cantilène, où l’on trouve le premier balbutiement d’un langage qui est en peine de se dégager du latin ; mais ce document, précieux pour les linguistes, n’a point de qualité littéraire. Le manuscrit de la Cantilène, et qui contient aussi les œuvres de saint Grégoire de Naziance, est aujourd’hui conservé à la bibliothèque de Valenciennes. On croit qu’elle fut composée en Picardie. Or, M. Maurice Gauchez nous avertit, dans sa préface, que, pour l’époque du Moyen-âge, il étend son étude aux « anciennes frontières » de la Belgique ; ainsi, Arras, Lille, Valenciennes lui « fournissent un contingent respectable d’auteurs. » S’il ne s’agissait que de la Cantilène de sainte Eulalie, peu importerait, somme toute ; mais il s’agit de toute une abondante partie de notre littérature médiévale. Soit, par exemple, la chantefable si jolie d’Aucassin et Nicolette : Gaston Paris a dit que la patrie de l’auteur « pourrait bien » être l’Artois ou Arras même ; et M. Gauchez consacre un chapitre de son histoire des lettres belges à la chantefable d’Aucassin et Nicolette. « Plusieurs raisons inclinent à croire que c’est au Nord et en Picardie que naquit et se développa » le Roman de Renart : et voilà Renart qui, de la littérature française, passe à la littérature belge. Jean Froissart est né à Valenciennes et il mourut à Chimay : M. Gauchez le range aussitôt dans le « contingent » des auteurs qu’il procure à la littérature belge. Etc., etc.
La littérature française est assez riche et les liens qui l’unissent à la littérature belge sont assez amicaux pour qu’elle veuille consentir de tels cadeaux et d’autres sans mauvaise humeur. Néanmoins je préfère l’opinion que présente M. Dumont-Wilden, dans la préface de son Anthologie.
Les origines de la littérature belge, dit-il, se confondent avec les origines de la langue française. En effet, pendant le Moyen-âge, les petites cours des principautés belges ont été des centres littéraires importants. Les comtes de Hainaut, les comtes de Flandre, les ducs de Brabant, les princes-évêques de Liège ont accueilli les trouvères de France. Il est possible que la Cantilène de sainte Eulalie ait été écrite sur le sol de la Belgique. Froissart est un Wallon, Commines un Flamand. Jean Lemaire de Belges, au XVe siècle, put être considéré comme un précurseur de Marot. De tels écrivains témoignent que. dès le commencement de la littérature française, il y ait, « chez ces populations du nord de l’ancienne Gaule que l’histoire et les traités