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souvenirs et menée à la philosophie. Du reste, il a beaucoup d’ardeur, mais toute mentale, pour ainsi dire, et beaucoup d’invention, mais il invente des idées. Il recherche le silence, comme Charles Decoster le grand vacarme. Il est un solitaire, comme l’autre est l’homme des foules. Il ne voulait pas séparer la vie et la pensée ; il disait que « la page d’un livre doit être vivante comme la prairie, » et il écrivait : « Certains moralistes n’ont qu’un riche plafond au-dessus d’eux, d’autres ont le ciel étoilé. » La méditation de la nature lui était poésie et vérité. Il écrivait encore : « Il est des âmes placées aux confins du monde invisible et toujours ensevelies dans la pénombre. » M. Maurice Gauchez loue justement la mélancolie gracieuse de Pirmez et les « syllabes assourdies » de son langage où il entend « tous les accents de l’âme tendre et ondoyante de la Wallonie. » L’on peut trouver quelque ressemblance entre Pirmez et Maurice de Guérin.

Voilà aux approches de 1880, quand va se manifester, avec une remarquable vivacité, la littérature belge, ses deux annonciateurs l’un pour la Flandre et l’autre pour la Wallonie.

Qu’arriva-t-il, en 1880 ? MM. Albert Heumann, Dumont-Wilden et Maurice Gauchez sont d’accord pour attribuer une grande importance, à peu près décisive, à la fondation d’une revue qui tout d’abord fit du bruit et de la besogne, la Jeune Belgique. Voici ce que dit M. Albert Heumann : « En 1880, toute une génération de jeunes hommes, élevés en un pays prospère, enrichis des idées neuves qui, depuis la guerre franco-allemande, circulaient à travers la Belgique et les excitaient, se trouvent prêts au combat. Car il ne s’agit de rien de moins que d’un combat et le premier caractère de ce mouvement littéraire, c’est d’être, à l’origine, un mouvement révolutionnaire. L’attaque fut soudaine... » Un garçon de vingt ans, Maurice Warlomont, sous le pseudonyme de Max Waller, lance la Jeune Belgique. Pour collaborateurs, il a des poètes tels que MM. Albert Giraud, Iwan Gilkin, Valère Gille, puis Camille Lemonnier, Verhaeren, Eekhoud, d’autres encore. La Jeune Belgique « se rue à l’assaut des idées bourgeoises et fanées dont quelques pédants s’enorgueillissaient et plante sur leurs débris le drapeau de l’art libre et de la pensée fière. » M. Maurice Gauchez donne plus de détails, et un peu compliqués, où l’on voit que la Jeune Belgique est le résultat d’une agitation qui durait depuis quelque temps. Elle a été précédée par d’autres revues et des journaux, la Semaine des étudiants, le Type : et ces deux publications rivales se firent une guerre assez violente pour qu’intervînt l’autorité universitaire, qui les supprima toutes les deux. Max Waller, chassé de l’université