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que d’analyser des impressions, ils les extériorisent en couleurs. Avec leurs plumes, ils s’expriment comme les artistes d’autrefois avec leurs pinceaux. Les mêmes paysages, la même atmosphère, qui inspiraient les aïeux, les inspirent aujourd’hui. » C’est la vérité. Ainsi, la littérature belge qui, par la langue et, en outre, par une direction qu’elle a demandée et qu’elle a reçue, dérive en quelque façon de la littérature française, dérive aussi d’un art belge, d’une âme ancienne et qui, jadis, s’est magnifiquement révélée par le moyen de la peinture.

Sans doute, y a-t-il peu de pays au monde qui aient été décrits avec autant de soin, de fidélité, d’amour que la Belgique par la récente école de ses romanciers. Petit pays sur les beautés duquel vivent les talents les plus divers, nombreux et fervents ! Wallons et Flamands rivalisent à qui peindra mieux la terre natale, les mœurs des habitants, leurs joies ou leurs souffrances, leur train de vie, jour après jour, avec un sentiment si tendre qu’il est parfois comme voilé de quelque ironie, afin de se montrer sans impudeur. On a dit que « toutes les nuances de l’âme wallone » se trouvaient réunies dans l’œuvre de M. Albert Mockel. Toute la Wallonie est dans les livres souriants et un peu mélancoliques de M. Louis Delattre, dans ses Carnets d’un médecin de village, dans son Parfum des buis. M. Georges Eekhoud, écrivain sans douceur, rude écrivain, d’une violence par moments trop déchaînée, mais puissant et original, est le peintre et le poète des polders et de la Campine anversoise ; les vagabonds que l’on rencontre là et aux alentours du port sont les héros que préfère son imagination de réaliste et romantique en même temps. La Campine est également le pays où M. Georges Virrès, bourgmestre de Lummen, se plaît à observer les coutumes et l’âme difficile des paysans. Les petits bourgeois du Condroz et de la Hesbaye sont les modèles de M. Hubert Krains, qui les connaît jusqu’en leurs défauts et inconvénients.

Maints poètes belges sont merveilleusement de leur pays. Tel, l’un des plus singuliers, M. Max Elskamp, l’auteur des Salutations, des Enluminures, et des Six chansons du pauvre homme pour célébrer la semaine en Flandre. Il chante et célèbre la Flandre, avec ses sanctuaires et ses cloîtres, avec la joie de ses travaux, ses bêtes. Il esquisse de jolis paysages d’eaux et de plaines, villes et villages, et les gens occupés à vivre, et les clochers tout ajourés, et l’aube en or aux horizons, — Flandre douce aux alouettes !... Un coup de vent passe, et tout s’incline, arbres, mâts, croix, roseaux ; et la mer au