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en deçà d’une ligne que la convention détermine. Les contingents alliés resteront jusqu’à la conclusion de la paix sur les positions qu’ils occupent présentement (c’est-à-dire les Détroits).

M. Austen Chamberlain, dans son discours du 13, M. Lloyd George dans son discours du 14, ont attribué le mérite de cet heureux résultat pacifique à la politique du Cabinet britannique. Ils n’en ont convaincu personne. Les faits sont aussi clairs que la lumière du jour. Des fanfares de défi comme la fameuse note du 16 septembre, émanée du Cabinet du Premier Ministre, n’annonçaient pas des intentions pacifiques ; et si les signatures échangées à Moudania, et scellées par la loyale poignée de main du général Harington et d’Ismet pacha, avaient pu être remises en question, c’eût été par le discours injurieux et violent de M. Lloyd George à Manchester le 14 octobre. Une attitude résolue, confirmée par l’envoi discret de troupes et de vaisseaux de renfort, convenait au Gouvernement britannique et restait dans la logique de sa politique ; associée à une intervention médiatrice de la France et de l’Italie, elle pouvait contribuer à une solution pacifique ; mais telle n’a pas été la méthode de M. Lloyd George ; il n’a pas cessé de tenir un langage provocateur qui aurait mis le feu aux poudres si, sur place, la politique anglaise, n’avait été servie par des hommes d’expérience et de sang-froid : sir Horace Rumbold et le général Harington. La patience et la discipline des soldats anglais n’a été égalée que par la patience et la discipline des troupes victorieuses de Moustapha Kemal.

Nous avons, sur les mérites de ceux qui ont été les bons artisans de la paix, une déclaration de Moustapha Kemal qui, prononcée devant la Grande Assemblée avant le discours de M. Lloyd George, en est en quelque sorte la réfutation préalable. « Dès que je suis arrivé à Smyrne, la politique a fait son apparition, et voici comment. Le général Pellé voulait causer avec moi. Il venait officieusement, niais en réalité il était envoyé par son Gouvernement. Le général me demanda de ne pas marcher sur Constantinople ni sur Tchanak, parce qu’il s’agissait «de zones neutres... Je lui répondis que j’en ignorais l’existence. Entre temps, je recevais une dépêche de M. Franklin-Bouillon, un ami personnel à moi, qui voulait me parler à ce titre. Je lui répondis qu’il pouvait me rencontrer à Smyrne. Lorsqu’il fut arrivé, je constatai qu’il venait non seulement de la part du Gouvernement français, mais aussi de la part de l’Angleterre et de l’Italie. On nous adressa en même temps une note dans laquelle les Puissances alliées nous demandaient immédiatement