semble plus probable que l’union conservatrice va se reformer pour les élections. Sa chute paraît avoir ravivé Chez M. Lloyd George les instincts démagogiques que comprimait son ancienne majorité conservatrice : « Il adore la lutte, déclarait Mme Lloyd George ; la lutte le stimule, et sa santé physique et morale n’est jamais plus satisfaisante que lorsqu’il est plongé dans la bataille. » A peine était-il descendu du pouvoir qu’on l’a vu, le 20, partir pour Leeds et, à chaque station importante, haranguer la foule ; il n’a pas prononcé moins de sept discours, attaquant avec véhémence les conservateurs qui l’ont abandonné, se vantant d’avoir seul, en Orient, sauvé la paix européenne, rappelant son plus beau titre de gloire, c’est-à-dire la guerre et la victoire. « Le fardeau du pouvoir n’est plus sur mes épaules, mais j’ai l’épée à la main, » s’est-il écrié. Cette épée, contre qui va-t-il la brandir ? Évidemment contre ceux qu’il appelle « les échauffés du conservatisme ; » mais par qui sera-t-il suivi ? Jusqu’à présent, son escrime n’a fait tort qu’à lui-même ; son attitude agressive pourrait bien refaire l’unité du parti conservateur et assurer son succès aux élections. Les élections ne tarderont pas à nous édifier sur les véritables sentiments des hommes et des femmes d’Angleterre pour le grand tribun.
La plupart des journaux anglais, depuis l’Observer jusqu’au Times, constatent que c’est l’attitude de M. Lloyd George à l’égard de la France qui a entraîné la politique anglaise hors de sa voie. Le Times dit excellemment : « La grande erreur de la récente politique britannique a été d’entretenir l’idée que la Grande-Bretagne pourrait chercher en Europe des intérêts spéciaux et séparés sans tenir compte de la France. » Au moment où M. Lloyd George quitte le pouvoir, il n’appartient pas aux Français, qui n’ont pas ménagé à sa politique les critiques qu’ils estimaient justifiées, de lui jeter la pierre ; ils ne sauraient oublier l’énergie avec laquelle il a conduit la guerre et la résolution qui lui a fait, en une heure de détresse, réaliser l’unité du commandement, qui a été la source de la victoire ; il faut bien constater cependant que la politique de M. Lloyd George a subi des échecs dans la mesure même où elle était contraire aux intérêts légitimes de la France. C’est que notre pays a eu, pendant la guerre, et a encore aujourd’hui qu’il s’agit de réaliser et de consolider la paix, cette singulière fortune que les intérêts de tous les peuples civilisés sont solidaires des siens. Si M. Lloyd George, au lieu d’imaginer et de dénoncer au monde la légende d’une France impérialiste et militariste, avait, depuis l’armistice, solidement appuyé la politique