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retard pour éviter l’inconvénient d’une affiche et d’une annonce particulière.

Que je suis fier que Votre Altesse ait bien vu que le speech que m’ont prêté les journaux italiens était faux pour une grande part ! Effectivement, ces Italiens ont un art admirable pour vous faire dire ce qu’ils désirent que vous ayez dit. Mais ils y mettent tant de bonne grâce et de courtoisie qu’on est désarmé. Ce que j’ai bien réellement dit, c’est que je crois le royaume d’Italie fondé, et à l’abri de tout danger grave, au moins jusqu’à la mort du roi Victor-Emmanuel. Le parti républicain ne sera un inconvénient sérieux qu’alors, et quant aux troubles qui pourraient éclater dans des parties anarchiques, telles que Naples, je crois que l’armée du Nord suffira tout à fait à les réprimer. Ce que j’ai dit encore, c’est que la restauration du pouvoir temporel est très peu probable, que même la France rangée au trône légitime de Henri V (hypothèse qui a peu de chances) ne referait pas l’expédition de 1849. Le parti légitimiste met, à l’heure qu’il est, cette restauration dans son programme, mais, s’il était au pouvoir, il se verrait obligé d’y renoncer. Mais ce que je n’ai pas dit, c’est que la question papale était résolue. Je pense, au contraire, que cette question est à ses débuts, et qu’elle traversera les phases les plus étranges. Sur ce point, les Italiens sont presque tous superficiels. Ils s’imaginent naïvement que la situation actuelle peut durer presque indéfiniment, que la papauté s’accointera dans la situation secondaire qui lui est faite au Vatican. Je ne le crois pas ; le fanatisme catholique réagira, même sur la tiédeur du Sacré Collège, et engagera la lutte. Il y aura une papauté exaltée qui finira par quitter Rome, ou qui, si elle y reste, portera ses protestations aux derniers excès. Mais cette papauté ne sera pas assez forte pour briser le royaume, à moins qu’un jour elle ne se réconcilie politiquement avec l’Empire allemand, lequel, dans ses embarras avec les démocrates, pourra fort bien être tenté d’accepter le marché du parti catholique.

La crise où nous sommes engagés est sans issue. La droite ne veut à aucun prix du renouvellement partiel, qui est pourtant la seule solution légale. Elle n’attend qu’une occasion pour amener M. Thiers à une démission qu’elle acceptera sur le champ. Alors, elle considérera un Gouvernement militaire qui fera des coups d’Etat, des proscriptions. Elle croit ainsi écraser