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vue ; il y joue souvent un rôle de premier plan, spécialement, ce semble, de diplomate, d’homme d’entremise. Il rend service au Parlement, dont il fait partie, aux vassaux de Mazarin, aux tenanciers de biens du Roi en Alsace, aux Trois Ordres de Metz, et, aussi, aux officiers du gouvernement en cette ville, à l’Evêché et aux Chapitres, aux Réformés et aux Ordres Religieux, à la Compagnie du Saint-Sacrement, à « Monsieur Vincent, » à la Reine-Mère. Dans les litiges avec les Réformés, il apporte à la fois le zèle qui convient et un esprit de justice qui sans doute alors devient plus rare que l’excès de zèle. Sans doute la politique de ménagement et de conciliation qu’il fait ne réussit pas toujours ; en Alsace, elle n’agrée point à Charles Colbert, « homme violent et entier ; » au bout de quatre mois, non seulement il se sépare de Bénigne, mais il conseille à son frère Jean-Baptiste de se venger de lui, « de le retrancher de sa table, » quand il ira à Paris, de « lui refuser toute grâce. » Malveillance vaine, du reste, et Bénigne, sans se priver de mettre le cardinal Mazarin [1] et Le Tellier dans la confidence de ses ennuis, trouve le moyen de rester bien avec le futur contrôleur général, dont un quatrième frère est intendant des Trois-Evêchés. A Metz, aussi, c’est en termes excellents qu’on nous le montre avec le maréchal de Schomberg, gouverneur dévot et modéré. Il se liera un peu plus tard avec le pasteur Paul Ferry en faveur duquel il s’emploiera. Au reste, cet homme infatigable a « du monde ; » il n’est point renfrogné. A Toul, nous savons qu’il a donné au moins un bal ; on en a retrouvé la preuve. Il est lettré : il avait à Dijon un « cabinet de livres. » Ses sentiments religieux, si l’on en croit Bausset, s’attestent comme ceux de son père en son « livre de raison. » Devenu veuf, il consacre à l’Eglise une partie de son activité qui ne vieillit pas. D’ailleurs, consciencieusement, il fait ce qu’il faut pour y obtenir les charges et bénéfices ; il prend les Ordres jusqu’au diaconat, entre à son tour dans ce Chapitre de l’église cathédrale où jadis il faufila son fils ; et sans cesser de siéger au Parlement comme conseiller-clerc, il succède à ce fils en 1665 comme grand archidiacre. Enfin il consent à se reposer. En février 1667, il se démet volontairement de l’archidiaconat. Six mois après, il mourait.

  1. En 1658, Mazarin, continuant de thésauriser, se fit nommer abbé commendataire de Saint-Bénigne de Dijon. L’appui moral des Bossuet n’était pas négligeable a un homme d’État et d’affaires qui ne méprisait rien.