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sur le marché de la rue des Prouvaires. Là la résistance fut si vigoureuse que, malgré la bonne contenance et l’extrême bravoure des troupes, on fut forcé d’aller reprendre en combattant la position d’où on était parti. Cette affaire coûta la vie à un lieutenant (M. Mari) et à 8 soldats ; 2 officiers et 20 soldats furent grièvement blessés. Un sergent fut tué d’un coup de pistolet par une mégère qui sortit d’une allée pour commettre ce guet-apens. Le colonel fut longtemps le point de mire des tireurs embusqués, mais sa bonne étoile ne voulut pas qu’il fût atteint au corps, ses habits seuls furent troués. Son cheval reçut cinq balles, et s’abattit avec son cavalier, en passant par-dessus une barricade qu’il franchit en avant des carabiniers.

Pendant ce temps, le 3e bataillon, placé sur le marché aux fleurs, y resta toute la journée dans une position aussi critique que les deux bataillons, mais n’ayant point d’ennemis armés devant lui. Le commandant Maillart reçut par trois fois l’ordre du général Taton en personne, de faire feu sur les aboyeurs qui l’entouraient. Il refusa avec fermeté, en disant qu’il ne le ferait qu’autant qu’on tirerait sur lui. Le général se retira furieux, la menace à la bouche et le cœur rempli de vengeance. Grâce à la prudence et au grand sang-froid du commandant, ce même général et les bataillons de la Garde qui occupaient l’Hôtel de Ville et la place de Grève, purent dans la nuit opérer leur retraite avec sécurité. Si le commandant avait obéi aux ordres irréfléchis du général, il aurait infailliblement perdu la position : toutes les croisées de ce marché étaient pourvues d’hommes armés qui auraient tiré à coup sûr ; le bataillon aurait été décimé, la place perdue, et les communications entre la Grève et les Tuileries interceptées.

A deux heures du matin, les deux bataillons purent bivouaquer dans le jardin des Tuileries. A cette heure, le drapeau tricolore flottait sur les neuf dixièmes de Paris.


19 JUILLET

Le jour me trouva prêt à me défendre, si j’étais attaqué brutalement, comme le succès de la veille devait me le faire craindre, mais je pensais aussi que quelque moyen se présenterait pour éviter le désastre qui allait fondre sur nous et sur tous les habitants qui nous environnaient. Je ne m’étais jusqu’alors fait