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fusils au magasin, où il s’en trouvait plus de 500. ainsi que plusieurs milliers de cartouches à balles. Ces bandes se renouvelant sans cesse, je compris que ma position se compliquait et devenait inquiétante. Pour sauver mes hommes qui n’auraient pu bientôt plus se défendre, en cas de persistance dans le projet de pénétrer dans la caserne, je sortis du quartier pour aller inviter un capitaine de la garde nationale que je voyais en uniforme à l’extrémité de la rue, à mettre un poste de gardes nationaux armés pour la protéger et la garder, renonçant désormais à le faire. Je lui remis les clés des magasins et des bureaux en le rendant responsable de tout ce qui s’y trouvait. Il s’en chargea et conserva tout, excepté ce qui était objet d’armement et de grand équipement qu’il fît prendre pour organiser les compagnies de sa légion.

Ce fut pour moi une grande satisfaction de n’avoir plus de rapport avec toutes ces bandes à faces sinistres qui venaient, la plupart, chercher des fusils pour les revendre aux gardes nationaux qui s’organisaient à la hâte pour sauver du pillage Paris. Je savais que le régiment était sorti de Paris, je n’avais plus à craindre que les armes que je donnais fussent employées contre lui. C’est ce qui m’avait fait tant tenir à leur conservation. De son côté, le capitaine que j’avais installé dans le corps de garde ne voulut plus en donner à tous ceux qui se présentaient. Il fallait être de l’arrondissement, et être connu par un citoyen honorable pour en obtenir. Je lui dis souvent : « N’armez pas les prolétaires, maintenant que tout est fini. Ils pourraient continuer la révolution pour leur compte, et nous livrer à l’anarchie démagogique. » Les rapports que j’eus avec ce capitaine. et plusieurs autres officiers qui vinrent le seconder furent très agréables.

Pendant cette tourmente, le détachement laissé la veille pour la garde de la prison de Montaigne, rentra en ordre, mais désarmé. Ce fut en vain que le capitaine Chardron, qui le commandait, observa aux insurgés que sa mission était d’empêcher les malfaiteurs qui s’y trouvaient renfermés, de se répandre dans Paris, pour commettre des délits et peut-être des crimes ; il ne put parvenir à faire comprendre à un de ces derniers attroupements, moins prudent que plusieurs autres qui l’avaient précédé, les motifs qu’il avait pour tenir à la conservation de ses armes. Il ne fut pas écouté. Il dut céder. Résister eût été une