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crient : « Vive la France ! » — Un orateur péruvien s’avance alors au milieu des tables et prononce un discours d’une éloquence entraînante ; il salue l’aurore des temps nouveaux, l’ère qui s’ouvre des justes réparations ; il évoque la guerre du Pacifique, où le Chili a mutilé la Patrie péruvienne : l’imprescriptible droit ne sera satisfait que quand Tacna et Arica seront rendues au Pérou, comme l’Alsace et la Lorraine ont été rendues à la France, répète-t-il aux applaudissements de ses compatriotes. Il est temps de lever la séance, et je demande à notre Ministre de vouloir bien indiquer aux organisateurs de cette belle réunion la réserve que mes fonctions m’imposent ; je suis reçu au Pérou comme ambassadeur de France et, après avoir déposé cette qualité, j’irai au Chili saluer officiellement la nation voisine, et il serait de la dernière inconvenance que je parusse me mêler à une contestation qui dure depuis près de quarante ans entre les deux peuples ; nos amis péruviens me comprennent très bien et s’emploient à limiter les inconvénients de cette manifestation en obtenant le silence de la presse.


Les jours suivants j’ai échangé des visites avec les ambassadeurs et ministres étrangers ; vingt-neuf Puissances sont représentées aux fêtes du Centenaire ; puis suivent des réceptions intimes, où les relations s’établissent dans une cordialité réciproque ; ensuite les réceptions officielles : l’ambassadeur des Etats-Unis, M. Albert Douglas, donne un thé très brillant à bord de l’Arizona, puissant dreadnought de 32 000 tonnes, et je reçois à bord du Jules Michelet, qui fait belle figure, bien qu’il n’atteigne pas tout à fait la moitié de ce tonnage. C’est l’occasion d’admirer la belle rade du Callao, où les bâtiments de guerre sont mouillés de façon à composer un imposant tableau, qui a pour fond les trois dreadnoughts des Etats-Unis.

Je constate, en recevant les ambassades des pays alliés, combien sont vifs les souvenirs de la guerre quand telle circonstance les évoque, la vue de l’uniforme français par exemple. Je retrouve avec une vraie joie mon camarade, le major général Hunter Liggett, qu’accompagne Mistress Liggett. L’ambassadeur et deux des trois ministres plénipotentiaires, MM. Thompson et Farabee, sont également venus en ménage, et la présence de l’élément féminin dans cette ambassade la complète très heureusement.