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vient apporter le salut de l’armée argentine à la mémoire de son général. Le voile tombe, et le héros de bronze se dresse, en tenue de campagne, sur un maigre cheval très haut : un long manteau l’enveloppe, et sa face pensive et ascétique domine au loin la terre qu’il va délivrer : c’est San Martin passant les Andes. Le général Martinez va prendre le commandement des troupes, et le défilé commence.

D’abord s’avancent des groupes populaires, portant de grandes pancartes ; ce sont les réfugiés de Tacna, Arica, Tarapaca, provinces enlevées par le Chili au Pérou en 1884 et qui viennent en silence protester contre l’oppression de leur pays natal, contre la violation du droit créé par San Martin et Bolivar, qui ont établi la frontière des nouveaux Etats selon les anciennes limites des vice-royaumes et des gouvernements espagnols. Il faut avouer qu’en pareille circonstance cette manifestation ne manque pas de grandeur ; elle serait impossible, si les relations diplomatiques n’avaient pas été rompues entre le Pérou et le Chili.

Puis vient le général Martinez, suivi immédiatement du fameux régiment des grenadiers à cheval, qui a gardé l’uniforme bleu de sa création, et il fait grand effet avec ses hauts schakos surmontés d’énormes plumets droits, les vestes courtes aux larges boutons qui brillent, son noble étendard blanc et bleu céleste, — couleurs de la sainte Vierge, — et surtout les souvenirs de gloire qui l’accompagnent. Puis viennent les compagnies de débarquement de tous les bâtiments de guerre mouillés au Callao, espagnols, argentins, américains du Nord qui sont les plus nombreux, italiens, japonais, chacun avec son allure caractéristique, et la compagnie du Jules Michelet particulièrement acclamée fait très bon effet. Voici les marins péruviens, puis l’armée, d’abord l’Ecole militaire de Chorillos, avec le plumet de Saint-Cyr et une allure qui rappelle celle de nos élèves-officiers, puis une division complète avec son artillerie, d’une tenue irréprochable, dont je fais compliment très sincère aux officiers péruviens qui m’accompagnent : « C’est l’œuvre de la mission militaire française, me répondent-ils galamment ; nous lui devons cette belle allure, et bien d’autres choses... »

Et je pense à toutes ces armées auxquelles nos camarades de toutes armes prêtent en ce moment le concours de leur expérience : Pologne, Tchéco-Slovaquie, Brésil, Pérou... Partout ils sont bien à leur place, celle que le Gouvernement ami leur a