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menacé d’expulsion ainsi qu’il lui était arrivé à la fin de ses beaux jours milanais, il la rejetait dans le passé, cette Italie toute pleine d’une jeune sève. Il se plaisait à la ramener à l’époque de la Renaissance et d’évoquer en images colorées sa civilisation voluptueuse et ardente, à la fois raffinée et barbare. Ce n’est pas qu’il ignorât le présent ; mais il ne voulait pas le voir. Or la nation était emportée déjà par le grand mouvement qui la menait vers son unité. Fière de son pouvoir ancien, elle n’oubliait pas qu’elle avait été reine du monde. Humiliée par tant de dominations étrangères, elle était susceptible, frémissante ; et, dans chaque mot prononcé à son sujet, elle voyait une insulte à sa renaissante dignité. Assimilatrice, elle avait arrêté au passage, pour les développer en elle, toutes les idées de liberté qui agitaient l’Europe. Et courageuse, à travers tous les obstacles, elle arrivait à sa résurrection.

Si on résume l’effet de la guerre sur le caractère italien, on voit qu’elle a continué ce grand mouvement : tant il est vrai que, par une sorte d’instinct vital, les peuples saisissent parmi tous les faits ce qui est utile au développement de leur être. Quand le Risorgimento fut terminé, et que le calme fut rétabli après les longues années de trouble, restait une masse inerte, composée de plusieurs millions d’habitants : des paysans, des ouvriers, que la vie nationale n’intéressait guère, que l’action politique n’atteignait pas ; sceptiques, surtout dans certaines régions ; bornant leur idéal à une vie facile, et sans effort. Or, la guerre a servi de levain à cette masse ; elle l’a intéressée aux grands problèmes de l’avenir ; elle l’a forcée à se prononcer pour ou contre les idées qui avaient mis en jeu son existence même. Elle l’a jetée dans l’action. — Il y avait tout un parti que les conditions dans lesquelles le Risorgimento s’était achevé rendaient hostile à l’Etat, excluaient tout au moins de la vie publique. Or, la guerre a achevé de faire des catholiques une des forces les plus actives de l’Italie nouvelle. — Du petit peuple et de la bourgeoisie, la guerre, la guerre encore a fait jaillir le fascisme : autre force, dont personne ne peut dire à l’heure actuelle jusqu’où elle ira. Ainsi, malgré les secousses qui l’agitent et qui l’agiteront encore, l’Italie a repris sa marche en avant. avec des ressources accrues et multipliées. Le Risorgimento a fait d’elle une nation ; la guerre a continué à faire d’elle une grande nation ; et l’avenir lui reste ouvert.