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ville donnait un bal. La salle magnifiquement décorée, quoique très spacieuse, était si pleine et la chaleur si étouffante qu’il y avait un certain courage à supporter sans autre motif que la curiosité une situation aussi accablante ; la place n’était vraiment pas tenable. J’y restai par devoir, et pour m’assurer si je ne rencontrerais pas une personne à qui j’avais fait la cour en 1817-1818, et avec laquelle je me serais probablement marié, si je ne fusse parti avant les dernières conventions matrimoniales. Après dix-huit à vingt mois de correspondance, toute espèce de rapports avaient cessé. Mes recherches au milieu de ces centaines de femmes ne furent pas vaines. Quoique passablement changés, l’un et l’autre, nous nous reconnûmes à première vue. Elle reçut avec convenance mes nouveaux hommages, m’apprit qu’elle était mariée, mère de famille et qu’elle me recevrait chez elle avec plaisir, si je lui faisais la politesse d’aller la voir. Quand je la revis le lendemain, je lui pardonnai de grand cœur les bienveillants reproches qu’elle me fit. Le temps avait amorti leur amertume, si toutefois ils étaient sérieux.

Le Roi rentra de bonne heure au palais. Mon service m’obligeait à le suivre. Je passai la nuit sur une chaise, dans la cour du château, ou me promenant avec les officiers de garde des trois armes que j’avais sous mes ordres, infanterie, cavalerie et gardes nationaux. La nuit fut aussi douce, aussi calme, que la journée avait été chaude et animée. Je déjeunai là le lendemain 20, et dînai encore le soir, ayant reçu une invitation particulière, à la même table que la veille. L’ordinaire était assez bon, et les convives d’assez bonne maison pour ne pas craindre de se compromettre.

Le départ du Roi pour Colmar fut suivi d’une grande inspection, passée par le lieutenant-général baron Sémélé, sous les ordres duquel Barrès avait servi à Mayence. Le général « fut plus qu’étonné de trouver le régiment aussi avancé dans son instruction. » Tous avaient travaillé jour et nuit pour obtenir ce résultat, « le maréchal Soult voulant avoir 500 000 hommes sous les armes, habillés et exercés, pour les présenter aux Puissances du Nord dans le courant de l’été, si elles persistaient à vouloir nous attaquer. » Barrès avait eu sa large part de cette activité, et son bataillon, de l’aveu même de son colonel, était « plus avancé que les autres. »