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Wirth, a remis au Président Ebert la démission du Cabinet. Depuis quelques semaines, l’autorité du Chancelier, qui n’a jamais été très forte, devenait de plus en plus précaire L’origine immédiate, de la résolution prise par M. Wirth fut le refus des socialistes d’entrer dans une coalition à laquelle participeraient aussi les populistes, avec lesquels ils sont en désaccord sur la stabilisation du mark et sur la durée de la journée de travail. Le docteur Wirth estimait ne plus pouvoir exercer le pouvoir s’il ne réussissait à renforcer son ministère en y introduisant les représentants d’une coalition dans laquelle entreraient les trois grands partis bourgeois et les socialistes ; n’ayant pu réussir à vaincre l’opposition de la social-démocratie, il résolut d’abandonner un poste où il est loin d’avoir, malgré la bonne volonté dont il se largue, justifié la confiance qui avait accueilli son élévation. Après toute une semaine de négociations, M. Cuno, directeur de la Hamburg-Amerika, a été appelé à constituer un ministère d’affaires où figurent des représentants des grands partis bourgeois et d’où sont exclus les socialistes : la présence d’un des chefs du parti populiste, M. Becker, au ministère de l’Économie nationale provoque par avance les méfiances des socialistes. Si le nouveau ministère veut avoir une politique, son programme ne peut, être que la lutte contre les socialistes ; mais on se demande alors s’il ne sera pas le prisonnier des éléments d’extrême-droite qui cherchent à entraîner le Reich dans les voies dangereuses d’une dictature militaire préparant une restauration monarchique. Déjà en Bavière, le parti paysan cherche à organiser une sorte de fascisme prêt à entamer la lutte contre le socialisme et contre l’étranger. On ne peut prédire longue vie au Cabinet de M. Cuno. La chute du mark, l’instabilité de la vie économique, préparent aux populations urbaines un hiver de misère qui pourrait engendrer des troubles civils. Le temps des épreuves est arrivé. L’Allemagne, pour avoir voulu se soustraire aux réparations, va à une catastrophe financière et économique.

Malheureusement la détresse du Reich, si elle est, jusqu’à un certain point, une garantie de sécurité pour la France, ne résout pas, tant s’en faut, le problème des réparations. La Commission des réparations, qui vient de faire à Berlin, avec M. Barthou, son nouveau et actif président, un séjour d’études et de documentation, s’est rendu compte que, s’il reste en Allemagne des valeurs réelles très importantes, il devient de plus en plus difficile de les saisir et de les mobiliser ; entreprendre de stabiliser le mark, n’est-ce pas poursuivre une chimère ? Comme l’a dit M. de Lasteyrie, stabilise-t-on un