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que, par le jugement dont est appel, le Tribunal a accueilli leur demande par ce motif que le droit de réponse accorde par l’article 13 de la loi du 29 juillet 1881 à toute personne nommée ou désignée dans un écrit périodique est un droit général et absolu, qui ne comporte, suivant l’opinion traditionnelle, d’autres restrictions que celles qu’imposent le respect de la loi et des bonnes mœurs, l’intérêt des tiers ou l’honneur du journaliste ;

Considérant qu’en l’état actuel de la législation sur la presse, le critique ne jouit d’aucune immunité particulière et se trouve soumis au droit commun ; qu’en vain soutiendrait-on que l’écrivain, en lui envoyant son livre, et l’auteur dramatique en le conviant à la représentation de sa pièce, acceptent par avance les appréciations qu’ils ont provoquées et renoncent à l’exercice du droit de réponse ; qu’il est de principe qu’une renonciation à un droit ne se présume pas ; que, dans l’hypothèse envisagée, il serait impossible d’affirmer que l’auteur a entendu faire abandon de ce moyen de protection contre les erreurs personnelles du critique ; que le pacte de renonciation n’est nullement établi, les conditions et les limites de la prétendue renonciation demeurant du reste incertaines ;

Considérant que si, avec raison, peut être opposé à Doumic le caractère général du droit de réponse, ce droit, contrairement à ce qu’a jugé le Tribunal, ne saurait être tenu pour tellement absolu qu’il doive sans réserve être reconnu à toute personne nommée ou désignée dans un journal ou une revue ; que cette interprétation se fonde sur les termes impératifs de l’article 13 de la loi de 1881 ; mais que, pour appliquer ce texte laconique, il convient de ne pas perdre de vue que ce qu’il autorise, c’est une réponse, c’est-à-dire un acte de défense, une riposte qui, nécessairement et par définition, suppose une attaque ; qu’il est impossible d’admettre en principe que tout individu désigné dans un article de presse, serait-il sans préjudice pour aucun de ses intérêts et (peut-on supposer même) en termes avantageux, se voie, par le seul fait de cette dénonciation, accorder le pouvoir d’intervenir suivant son seul gré dans toute discussion ou d’imposer à son profit une réclame gratuite au journal qui l’a nommé ;

Considérant que l’article 13 de la loi de 1881 est textuellement tiré de la loi sur la presse du 23 mars 1822 ; que la discussion