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pour la Russie que la rupture fut provoquée par le Japon qui se trouverait alors dans le rôle d’agresseur ?

4° La dignité de la Russie ne souffrirait-elle pas davantage, si nous avions à subir les influences hostiles des pays rivaux qui eux seuls retireraient des avantages d’une guerre avec le Japon, guerre nullement motivée par les intérêts vitaux de la Russie ?

Le 29 janvier, l’amiral Alexéïeff répondit que le Gouvernement japonais persistait à exiger la reconnaissance de son protectorat sur la Corée, qu’il poursuivait activement ses préparatifs militaires et que, dans ces conditions, on ne pouvait fonder aucun espoir sur la suite des négociations.

L’Empereur prescrivit néanmoins que la procédure diplomatique fût continuée : « Je veux, répétait-il, avoir épuisé tous les moyens de conciliation. »


Depuis le début de janvier, la Cour s’était transférée de Tsarskoïé-Sélo à Saint-Pétersbourg. Une série de bals traditionnels alternait avec les spectacles dans le joli théâtre de l’Ermitage, construit à l’époque de la Grande Catherine.

Le 2 février, on donna un de ces spectacles. Pendant un entr’acte, l’Empereur et les deux Impératrices faisaient cercle. Le souverain paraissait de joyeuse humeur. Il causait affablement avec les ambassadeurs et les ministres étrangers, au nombre desquels se trouvait comme de raison celui du Japon Avec sang-froid et imperturbabilité, — deux qualités inhérentes au caractère japonais, — M. Kurino feignait d’être flatté des paroles que Sa Majesté lui adressait. Nous fûmes tous témoins des saluts qui le courbèrent profondément, lorsque l’Empereur lui tendit la main. Cette scène, suivie d’un long dialogue, était plutôt rassurante et, en l’observant, personne n’aurait pu deviner ce qui allait arriver le lendemain.

Ce jour-là nous étions tous à travailler à la chancellerie, lorsqu’on me passa la carte de M. Oda, un des secrétaires à la légation du Japon, qui venait souvent me voir de la part de son chef. Il remit entre mes mains un pli cacheté au nom du ministre avec prière de lui délivrer un accusé de réception ; ce détail me surprit quelque peu, d’autant plus que mon visiteur mettait une certaine insistance à vouloir attendre mon retour de chez le comte Lamsdorff. Je montai au cabinet du ministre qui,